Frédéric Sonntag est un jeune auteur français dont les pièces font le tour du monde. Disparu(e)(s) est la première pièce à être montée au Québec. L’intrigue semblait d’abord prometteuse, tournant autour de la disparition d’une gamine dans un stationnement en zone industrielle. Cinq jeunes personnages sont irrésistiblement attirés par l’endroit du mystère et s’y rencontrent malgré le couvre-feu. Même si le metteur en scène présente la pièce en parlant d’espoir, de désillusion, de poésie et de quête d’absolu, la trame s’avère bien mince. Les rebondissements du scénario sont prévisibles et le script tombe à plat.
Le défaut central de cette pièce est de ne pas avoir adapté le texte franchouillard pour des acteurs du Québec. Il est franchement irritant d’entendre ces jeunes habillés en ados de banlieue québécoise parler avec un pseudo-accent français forcé qui dénature la pièce. Les personnages sont donc peu crédibles et l’ensemble fait décrocher du texte à plusieurs reprises. Les comédiens auraient sans doute joué juste s’ils avaient eu la possibilité de s’exprimer de façon plus naturelle. Pas besoin de jouer aux Parisiens pour faire dans la poésie. Et c’est avec bonheur que la conception sonore efficace de Navet Confit donne quelques instants de répit.
Les personnages, qui sont tous de grossières caricatures antipathiques de par leur médiocrité, ont une psyché assez simple. Sonia, par exemple, est une jeune fille qui passe ses journées sur son canapé « pas encore payé » et qui se dit « faite pour disparaître », car elle deviendrait quelqu’un pour les autres et sa vie aurait ainsi un sens. Elle semble en être là car sa mère disait toujours qu’«elle n’arrivera jamais à rien ». Bloody Pink, la victime disparue du fait divers, que tous imaginent pure et innocente, participait plutôt à un jeu dangereux et cupide. La meilleure amie de Sonia est la cruche de service, mais aussi la plus saine d’esprit. Freddy, possible tueur, amène la dimension que toute victime est aussi prédateur et vice-versa. Le jeune travesti, quant à lui, veut tellement se faire aimer qu’il souhaite être un objet de désir au point de se faire tuer. C’est bien tout le jus qu’on puisse extraire de la pièce.
Les personnages ne servent qu’à faire avancer le récit, la plupart du temps sans apporter d’autre dimension, et Sonntag finit seulement par leur faire prononcer quelques répliques philosophiques bancales. Par exemple, Vincent-120, le jeune bum, confie à la fin, faire de la course de voitures afin de « s’oublier le temps de quelques secondes ». La réplique « On ne joue que pour provoquer l’inconnu », est plus inspirée alors que « La mort est la fiancée du diable », laisse de glace.
Le metteur en scène Martin Faucher a choisi d’intégrer de la danse contemporaine dans la pièce : comédiens qui courent en cercles d’un pas lourd, d’autres qui se jettent contre le mur ; tremblotements sur place, roulades sur le sol… du remâché. Le concept du théâtre physique aurait eu du potentiel, puisque les personnages tentent de créer l’évènement, de donner une direction au vide ambiant, mais il était plutôt agaçant de voir les comédiens gesticuler en tous sens tels des poules sans tête.
Le décor minimaliste constitué d’un panier d’épicerie, d’un bout de terrain vague et du réverbère numéro 7, phare dans la nuit et seul point de repère, remplit bien sa fonction symbolique du vide de la consommation, malgré le fait qu’en contrepartie, le stationnement désert n’ait pas été occupé par un jeu scénique concluant. Le propos voulu sur la vie et la mort est trop dilué, nous donnant dès le départ une impression de travail inachevé.