Étendu dans son lit, il reste un moment entre un état de rêve et de veille, un lieu entre sa réalité et son passé.
Attiré par les sirènes de la rue, il s’approche de la fenêtre. Les grévistes manifestent avec un tonnerre de hurlement, de cris d’orgueil sur le boulevard de Maisonneuve. « Je dois les rejoindre » marmonne-t-il en ouvrant la boîte de café. L’eau tombe goutte à goutte à travers la mouture riche et noire, infusant l’air et donnant une forte sensation nostalgique.
Il lève les yeux de sa tâche se disant « C’est ma responsabilité. Pourquoi ne peux-tu pas me comprendre ? » Sans attendre de réponse, il continue à parler : « Ne me dites pas que je fais la grève sans raison. Ne me dites pas de l’oublier » dit-il avec véhémence en coupant une tranche de pain pour son petit déjeuner aussitôt expédié. Brandissant le couteau, il continue « C’est toi qui oublies que les émeutes chez nous étaient les seules mesures qui pouvaient promouvoir la cause de la liberté ! » Maintenant criant, « Je n’attendrai pas en silence, hors de danger alors que tu restes en Égypte pour lutter contre l’oppression ! »
Le soleil perce, jetant des ombres autour de son appartement. Dans la distance, la montagne devient visible. Il voit la Croix au nord, toute seule, illuminée même dans le matin.
Au sud, il est sensible au fleuve, tellement différent du fleuve qui définissait sa vie d’enfant : froid, dangereux et désert plutôt que lent et tiède, plein d’activité en fait. « C’est toi qui ne comprends pas la raison de la grève. Je suis certain que cet enjeu est important, comme les autres étaient importants. »
Il se tourne dos à la fenêtre, face aux ombres dans l’appartement. Face à l’est, à la Mecque, et à sa famille. « C’est là où je suis important, c’est là où je suis accepté » crie-t-il, « Qui êtes-vous pour déterminer ma vie ? Ma vie repose dans mes mains, et seulement mes mains. Avec mille autres corps et mille autres voix, je vais faire partie de cette manifestation ! »
Il s’arrête. Ces mots pénètrent en profondeur pour attendre une réponse, inutile comme toujours. Il cesse de parler. Il at assez entendu sa propre voix. Il sort de sa chambre vide pour rejoindre la foule.
* * *
Il est entouré par des gens mais il est encore profondément seul.
Alvira Rao, Emma Gause, Hans Krause, Maria Mejia, Zuzanna Kuza.