Si l’on doit dire une chose de l’année 2011–2012 à McGill, c’est qu’elle aura été mouvementée. Entre grèves, blocus et un nombre sans précédents d’Assemblées générales, le deuxième semestre en particulier a connu une mobilisation étudiante jamais vue jusqu’alors sur le campus de la plus grande université anglophone du Québec. Au total, huit départements auront voté pour la grève, illimitée dans six cas, toutes pour protester contre la hausse des frais de scolarité.
Après que l’Association des étudiants de premier cycle de la Faculté des Arts (AÉFA) ait voté contre la grève lors d’une Assemblée générale où la participation a été la plus grande de l’histoire de McGill (environ 1100 étudiants), certains départements ont décidé de voter pour la grève lors d’Assemblées générales indépendantes. Ainsi, le 18 Mars au matin, les étudiants en Travail Social ont commencé leur grève en piquetant devant le Pavillon Wilson. Le même jour à midi, les étudiants de Littérature Française des cycles supérieurs occupaient les marches du bâtiment des Arts. À l’instar de la plupart des universités québécoises, on pouvait enfin dire que McGill était en grève.
Le lendemain, les étudiants en Anglais se sont joints à la grève, suivis le jour d’après par ceux en Études de la femme, ceux de Géographie le 22, puis ceux en Histoire de l’Art et Communications le 26 et enfin ceux de Philosophie le 28. Le département de Musique a voté pour une grève d’une journée (celle de la manifestation du 22) et celui des cycles supérieurs en Éducation a voté pour une grève renouvelable de 5 jours.
Selon Philippe Robichaud, président de l’Association Générale des Étudiants en Langue et Littérature Française (AGELF): « La grève, je la vois comme un médium d’expression, un outil. Au sein même du département, nous avons vu de nombreuses personnes prendre position, s’exprimer, et même, surtout, changer d’idées depuis le début des manifestations. » Mais les étudiants ne sont pas les seuls à être en faveur de la grève. Certains professeurs disent qu’ils « encouragent leur étudiants à prendre part à la grève tout en créant des conditions de débats pour rester équitable envers les deux côtés ».
Même si la majorité des classes ont eu lieu à McGill depuis le vote des départements, devant un bon nombre d’entre elles les manifestants piquetaient afin d’empêcher la tenue des classes des départements en grève. Il est important de différencier le « piquetage doux » du « piquetage agressif ». Dans le premier cas, tout le monde peut passer, mais on cherche à faire comprendre l’importance de ne pas aller en cours. Dans le deuxième, les étudiants en grève empêchent physiquement et verbalement les autres étudiants de passer.
Pour Camille Godbout-Chouinard, étudiante à McGill, le piquetage « est la seule manière de faire respecter la grève, mais à McGill on devrait s’en tenir au piquetage doux » Certaines tactiques ont été jugées trop violentes où intimidantes, comme l’usage de la force pour empêcher les étudiants d’aller en cours. Néanmoins, l’opposition à la grève s’est organisée, comme avec l’évènement Facebook « I’m a McGill student, and I am proud to cross illegal picket lines ! » organisé par ModPac.
Les grèves et les actions qu’elles entraînent font polémique sur le campus, et l’on s’interroge en particulier quant à leur légalité. Le code de conduite étudiant de McGill interdit l’obstruction aux activités universitaires mais « n’empêchent pas la tenue d’assemblés, de réunions et de manifestations paisibles ou le piquetage licite, ni n’interdisent la liberté de parole. » Le mot clé ici est « licite », et il est vrai que les règles et l’administration restent assez floues sur ce qui est permis ou non. Selon la doyenne étudiante Jane Everett : « Nous procédons au cas par cas avec plusieurs officiers de discipline car un seul individu ne peut pas décider du sort d’un élève pour ce qui est des sanctions. »
Qu’ils soient légaux ou non, les grèves et les piquetages sont une première à McGill : « En 30 ans de carrière, je ne me souviens pas en avoir vu », a dit Everett. Il est dur de juger l’efficacité des grèves à McGill, mais le simple fait que certains départements de McGill soient en grève pour la première fois est déjà porteur d’un symbole fort.
Si certains départements ont voté en faveur de la continuation de la grève, comme celui de Travail social, d’autres ont cessé le combat après une semaine, comme les département de Littérature anglaise et de Littérature française (premier cycle). Une troisième catégorie est celle des départements qui n’ont pas réussi à atteindre leur quorum durant les AG suivant le vote de grève comme Géographie le 27 mars ou Études de la femme le 28. Dans ces cas-ci, les départements restent en grève car ils ont voté pour une grève illimitée mais les étudiants ne sont pas sûrs s’ils devraient continuer la grève où non.