Vendredi dernier, plus de cinquante bus de manifestants ont été affrétés vers Victoriaville. Venant des quatre coins du Québec, tous venaient pour exprimer leur colère contre le gouvernement Charest et sa décision d’augmenter les frais de scolarité de 75% sur cinq ans.
La manifestation a tourné à l’affrontement en un temps record. Morceaux de trottoirs, gaz lacrymogènes, boules de billards, grenades assourdissantes, … les abords du centre de convention où se tenait le congrès du Parti libéral du Québec se sont transformés en véritable champ de bataille.
La Sûreté du Québec (SQ), en charge du maintien de l’ordre, comptait quatre blessés dans ses rangs, dont un grave, il aurait été atteint par une boule de billard. Du côté des manifestants, on déplorait sept blessés dont deux dans un état grave, l’un d’entre eux aurait perdu l’usage d’un œil.
À l’issue de la manifestation, Jean Finet, porte parole de la SQ, indiquait au Délit que ses services avaient procédé à quatre arrestations pendant la manifestation. Mais il ne s’agissait là que d’un bilan provisoire. Il déclarait : « Nous sommes en mode enquête, d’autres arrestations sont à prévoir. » Un peu plus tôt, il martelait « La Sûreté du Québec ne ménagera pas ses efforts afin de retracer les auteurs de crimes qui ont été commis ici ce soir. »
On a appris dans les minutes qui ont suivi qu’un bus de manifestants de McGill et Concordia avait été stoppé et que tous ses occupants avaient été placés en état d’arrestation pour attroupement illégal.
En entrevue avec Le Délit, le chauffeur du bus explique qu’il à été impressionné par le déploiement de force. « Un véhicule de la SQ nous suivait depuis Victoriaville, puis tout à coup au moins une dizaine d’autres voitures de police sont arrivées de tous les côtés. Ils se sont mis en travers de la route pour m’arrêter. »
La SQ a ensuite escorté le bus, toutes sirènes hurlantes, de retour vers le poste de police de Victoriaville. « Ils m’ont dit de ne pas m’arrêter au feu rouge, ils bloquaient toutes les intersections pour que je puisse passer » raconte le chauffeur encore surpris par l’ampleur des événements.
Nicolas Quiazua, rédacteur en chef du Délit, se trouvait à bord de ce bus depuis lequel il couvrait la venue des étudiants de McGill et Concordia à Victoriaville. Malgré qu’il se soit clairement identifié en tant que journaliste dans l’exercice de ses fonctions et qu’il portait une carte de presse, il a passé près de huit heures en état d’arrestation. Quand il a finalement été interrogé, les accusations ont été abandonnées. Un photographe du Link de Concordia a également été détenu puis relâché.
Stefan Christoff, journaliste et militant qui se trouvait lui aussi à bord du bus, émet des doutes quant à la procédure suivie par la SQ. « Ils ont utilisé un bus scolaire comme une cellule de prison pendant huit heures. Ils nous ont ordonné d’arrêter de parler. C’est illégal. » Il déplore également que les policiers aient ordonné aux journalistes à bord d’arrêter de filmer. « Ils ont voulu s’assurer que les événements ne soient pas documentés. »
La plupart des manifestants ont été relâchés après avoir signé une promesse de comparaître. Les chefs d’accusation sont attroupement illégal et émeute. Quatre manifestants ont cependant été retenus plus longtemps. L’un d’entre eux témoigne sous couvert d’anonymat. « Ils se sont rendus compte que j’avais déjà été arrêté pour attroupement illégal, bien que je n’avais pas été condamné. Ils ont décidé de me faire comparaître devant un juge par téléphone. » Il a finalement été relâché le lendemain à 13h30, après près de seize heures de détention.
Zoe Pepper-Cunningham, une étudiante qui se trouvait à bord du bus n’est pas sûre des raisons qui ont poussé la SQ à cibler le bus de McGill et Concordia. « Peut-être tout simplement parcequ’on était les derniers à partir. »
Sur la cinquantaine de bus ayant fait le déplacement seulement quelques uns ont été interceptés. En plus de celui de McGill et Concordia, deux autres bus du cégep de Montmorency ont interceptés à Saint-Hyacinthe. Là aussi, l’intégralité des occupants ont été placés en état d’arrestation, portant ainsi le total des interpellations à 106.
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