Un livre sur les femmes, par des femmes, pour les femmes et pour tous ceux qui croient en elles. Tel semble être le mot d’ordre de Féminismes Électriques, la dernière publication de La Centrale (Galerie Powerhouse), ce collectif d’artistes féminins et féministes.
Le livre se présente comme un recueil multiforme : la première partie comporte une série d’essais réfléchissant sur les enjeux du féminisme moderne, la seconde partie est un texte d’invention créatif et le livre se clôt sur plusieurs dialogues entre les auteures du livre et certains artistes majeurs ayant marqué La Centrale pendant la dernière décennie, comme Chris Kraus, ce réalisateur impliqué dans les combats des femmes. Bilingue, —on trouve des textes à la fois en français et en anglais,— et grandement illustrée, cette publication variée est agréable à lire.
Le livre se veut une « réflexion sur la dernière décennie de production artistique des femmes et notamment des féministes », comme on peut le lire dès l’introduction. Il faut en effet rappeler que la galerie La Centrale se présente comme la galerie pionnière de l’art féministe au Québec. Fondée en 1973 par trois membres des Flaming Apron, la galerie, située sur le boulevard St-Laurent, n’a eu de cesse de promouvoir les arts féministes, qu’il s’agisse de peinture, de musique, de dessin, ou même des arts de la performance. Les collaboratrices de la publication sont des membres impliquées de La Centrale et les deux jeunes dirigeantes du livre, Leila Pourtavaf et Roxanne Arsenault, soutiennent corps et âme la mission du lieu. « La Centrale est véritablement le lieu d’une hyperactivité positive », remarque Roxanne Arsenault, évoquant les multiples possibilités créatrices qu’elle permet. En ce moment, on peut y voir l’exposition Drawings, où la jeune artiste Sofi Brazzeal exprime, par une série de dessins en noir et blanc, sa vision de la sexualité et de la sexualisation de la société contemporaine, et de la place qu’a la femme au sein de cette société du sexe. Violent et provocant, quoiqu’un peu répétitif.
Féminismes Électriques montre certes très bien le lien entre la galerie et l’évolution du féminisme et le rôle que le développement de l’art des femmes a joué dans un certain bouleversement du mouvement. Chose intéressante, le livre prend appui aussi bien sur le féminisme québécois, que sur le féminisme canadien et international, et s’intéresse aux liens et aux différences qui peuvent exister.
Cependant, une question demeure : qu’est-ce vraiment que le féminisme en 2012 ? Comment se sentir et se revendiquer féministe dans une société qui, après les années 60 et 70, semble penser que la libération de la femme est achevée, alors que des inégalités profondes demeurent ? Même pendant la conférence de lancement de la nouvelle publication, les auteures semblaient avoir bien du mal à mettre en place une ligne de conduite claire. D’où, peut-être, ce titre au pluriel, qui évoque des Féminismes, et cette présentation multiforme : « Nous cherchons à regrouper les féminismes et les féministes. Si tout le monde ne se bat pas pour la même chose, nous avons pourtant toutes les mêmes convictions », dit ainsi Thérèse St-Gelais, une des contributrices, évoquant entre autres le 6e Congrès de Recherches Internationales Féministes Francophones, qui a eu lieu du 29 août au 2 septembre à Lausanne, en Suisse, et qui s’est soldé par toute une série de conflits entre les différents mouvements.
Ainsi, si un trop grand flou demeure parfois et si le livre est plus un bilan qu’une véritable réflexion commentée des dernières années de l’art féministe, on reste frappé par l’implication des auteures, qui poussent chacune mais aussi chacun d’entre nous à repenser le féminisme et la place de la femme et de la féminité dans le monde actuel.