Les caricatures transcendent la limite entre l’art, l’humour et la critique ; surtout vis-à-vis de notre humanité auto-accablante et damnée. Jusqu’au 26 janvier, le musée McCord tient une exposition sur le sujet, « La fin du monde… En caricatures ! ». L’expo rassemble seize caricaturistes québécois, qui ont couvert près de 150 ans d’actualité d’accablement et de damnation, que ce soit affligeant ou auto-infligé.
Plusieurs illustrations datent de la fin du 19e et début 20e siècles. Ces illustrations élaborent allégoriquement les maux tels que le choléra, la variole et la peste. La Commission de Santé était peu compétente à cette époque ; il fallait que des illustrateurs tels Henri Julien, J.H. Walker et A.G. Racey exposent cette réalité dans les quotidiens.
Les fléaux étant des éléments du passé, les caricatures du 20e siècle se concentrent sur les conflits et les guerres. Une des images décrit Hitler faisant un de ses grands discours face à des rangées de pierres tombales, ou dansant le ballet avec la Mort. Sur d’autres représentations, la Terre se transforme en crâne pendant qu’une file de tanks se forme en serpent avec, à l’avant, la tête du Führer. Une série tout à fait partiale sur la guerre froide s’ensuit : les États-Unis sont menacés et c’est l’URSS qui en est la menace.
Enfin, les fins du monde auto-prescrites se terminent sur plusieurs images très marquantes des années 1990 et 2000, comme les génocides dans l’ex-Yougoslavie des kosovars et bosniens, ou ceux du Rwanda. Les images sont bien évidemment très réconfortantes et optimistes. Un exemple : l’ONU se baigne dans le sang bosnien. D’un point de vue artistique, le travail du conservateur rend l’exposition un peu étouffante. On a l’impression d’être enfermé parmi ces images qui annoncent chacune une apocalypse plus ou moins drôle ou tragique. Il existe quand même un ordre parmi le désordre.
On commence par notre fin la plus proche : la fin du calendrier maya, le 21 décembre 2012. Un astrophysicien dans une vidéo stratégiquement centrée nous assure que la fin ne viendra pas ce jour-là. Merci M. l’Astrophysicien ! Puis s’ensuivent des fins qui n’en sont pas ; il semble qu’on prêche l’insouciance. Comment est-ce possible, avec la tragédie des déboires de l’équipe de hockey, ou bien l’hiver, le gel et la dépression qui en résulte ?
Une légende nous annonce : « Les fins du monde posent des défis aux caricaturistes […] Elles sont des occasions de montrer la qualité esthétique et la force dramatique du dessin éditorial, et de révéler que si la caricature est d’abord un art du quotidien, elle n’est pas moins un art de l’universel ». Il y a une tendance dans la caricature à se détacher du sujet représenté.
C’est ce détachement qui permet au caricaturiste de se positionner vis-à-vis de son sujet et de le critiquer d’un extrême ou d’un autre. Il faut se détacher de sa propre humanité en s’éliminant en tant que responsable potentiel pour pouvoir faire une critique du trait le plus humain : la peur de la finitude.
C’est en cela que cet art devient universel, à travers la subjectivité d’un regard, celui de l’artiste qui critique, qui commente.