C’est au premier étage du Café Campus, sous des projecteurs multicolores et une boule disco, que se sont retrouvées lundi dernier 150 personnes, toutes animées d’une même envie : non celle de danser, mais plutôt de partager avec d’autres leurs expériences dans le milieu communautaire.
Depuis maintenant dix ans, le Réseau Québécois de l’Action Communautaire Autonome (RQ-ACA) organise une « semaine nationale de visibilité », qui a pour but de « rendre visible le travail exceptionnel des 4 000 regroupements et organismes d’actions communautaires autonomes », selon leur site web. Avec les manifestations estudiantines toujours vives dans les mémoires, RQ-ACA a décidé cette année de voir grand : Josée Boileau, rédactrice en chef du journal Le Devoir, Francis Dupuis-Déri, professeur à l’UQAM et François Parenteau, membre du groupe humoristique des Zapartistes ont été invités pour donner à des militants passionnés leur point de vue quant au rôle de la communauté dans le climat politique actuel.
« Notre société ne parle plus des pauvres », a dit Mme Boileau, « on les a oubliés ». Devant une avancée de la droite conservatrice, aussi bien au Québec que dans le Canada, les plus démunis, aux yeux de la journaliste, sont « exclus » de la vie politique. Il ne tient donc qu’aux groupes communautaires locaux et régionaux de faire un premier pas et d’offrir aux « analphabètes démocratiques » le droit à la parole.
Comment ? Jean, militant depuis de nombreuses années, déborde d’idées : il faudrait « créer une tribune du peuple » ainsi que rendre plus visibles les Assemblés Populaires Autonomes de Quartier (APAQ), créées pendant la crise et « basées sur la volonté d’agir ensemble dans un espace non-partisan ». François Parenteau, aussi militant et comédien, renchérit, en affirmant que l’humour est nécessaire pour faire passer le message et convaincre les « exclus » d’enfin se faire entendre.
Cependant, la tâche est loin d’être évidente. Le RQ-ACA s’est heurté au gouvernement, qui ne veut rien entendre, à de nombreuses reprises. Comme l’explique Mme Boileau avec une ironie désolée, il faut « se plier aux demandes de l’État pour contester l’État ». Selon un autre invité, Francis Dupuis-Déri, « le parti Coalition Avenir Québec (CAQ) considère de son côté les groupuscules communautaires comme “des jaloux [qui ne] sont [que] pour l’immobilisme”».
Néanmoins, l’avancée sociale au sein de la communauté québécoise pendant et après la crise est indéniable. Erin Hudson, représentante communautaire à la production du journal The McGill Daily, raconte que « même si McGill n’était pas directement impliquée [dans la grève], les élèves ont voulu en savoir plus sur ce qui se tramait ». Pour Milène, étudiante en Psychologie à l’Université de Montréal, les manifestations lui ont permis de devenir politiquement impliquée et d’enfin se battre pour une cause qui lui semblait juste. Une mère en colère a également pris la parole à ce sujet lundi soir : « Cette révolte a permis à différents groupes sociaux de se retrouver et de partager ! », a‑t-elle affirmé. Il ne tient maintenant qu’aux groupes communautaires qu’un tel partage subsiste.
Plongé dans l’ambiance électro du bar, qui ce soir-là faisait office de salle de conférence, c’est l’espoir qui se lit sur les visages. Celui que le RQ-ACA soit mieux reconnu par le gouvernement, autant au niveau local que national. Celui que le terme « communautaire » ne soit plus synonyme de « marxisme ». Et que la voix soit donnée aux « exclus » et aux jeunes, pour un renouveau de démocratie. Le but est que le Québec puisse parler de changement, et ce sur une longue durée.