Les élections américaines sont toujours pleines de surprises. Tous les quatre ans, un candidat précédemment inconnu des médias étrangers, qu’il soit démocrate ou républicain, se lance dans la course à la présidence. Il y avait eu Robert Dole en 1996 et John McCain en 2008. Le républicain Mitt Romney est le « petit nouveau » de 2012. Il est ainsi l’objet de toute l’attention médiatique, non seulement dans son pays, mais aussi dans le reste du monde.
Erreurs diplomatiques
Lors de ses déplacements à l’étranger, le candidat républicain à la Maison-Blanche multiplie les erreurs diplomatiques.
Cet été, en visite à Londres, il se déclare mitigé face à la capacité de la ville à recevoir les Olympiques, déclarant à NBC : « Il y avait quelque chose d’un peu déconcertant. L’histoire selon laquelle la forme de sécurité privée n’avait pas assez d’effectifs, la supposée grève des agents d’immigration. Ce n’est évidemment pas quelque chose d’encourageant ». Et le premier ministre britannique de rétorquer au quotidien britannique The Telegraph : « Évidemment, c’est plus facile si les Jeux Olympiques se tiennent au beau milieu de nulle part ». (Romney a participé à l’organisation des Olympiques d’hiver à Salt Lake City en 2002, ndlr).
Ce qui est devenu une anecdote amusante reflète néanmoins les tensions créées par le gouverneur du Massachusetts, dans un pays qui demeure l’allié politique par excellence des États-Unis.
Opinions divisées
Les trois débats précédant les élections américaines du 6 novembre sont désormais passés.
Les deux candidats à la présidence divisent l’opinion populaire américaine et mobilisent les foules à l’étranger. Sans doute parce que l’élection américaine de novembre déterminera l’avenir des relations diplomatiques entre les États-Unis et les pays étrangers.
L’entrain international suscité par la candidature d’Obama en 2008 n’est pas aussi prononcé quatre ans après – le bilan d’Obama est certes mitigé – mais une question se pose en ces temps de crise : quel est le candidat le « moins pire » pour diriger les États-Unis ? De l’intérieur, les esprits restent indécis ainsi que le démontrent les sondages actuels : 47.2 % pour Obama, 47.2% pour Romney (Huffington Post, 26.10.12).
Vision binaire
Un article récent du New York Times présente une critique virulente de la conception de la politique internationale de Romney. Selon l’article, la vision du monde du candidat manque de contrastes et semble raviver des conflits passés. Romney considère encore la Russie comme l’ennemi numéro 1 dont l’Amérique doit se méfier. Il ravive un élan patriotique, voire nationaliste, en rapportant qu’il diminuerait le nombre de délocalisations en Chine et ne laisserait pas le pays « s’écrouler comme la Grèce » (une expression utilisée à plusieurs reprises durant les trois débats).
Romney entend redonner à l’Amérique le pouvoir stratégique, militaire et politique qu’elle possédait durant la Guerre froide ; Romney effectue une association d’idées pour le moins déconcertante : sa nostalgie de l’Amérique de l’après-guerre le mène à penser qu’un monde divisé en deux blocs est préférable.
En définissant la lutte au Moyen-Orient comme une guerre « contre les ténèbres », il réhabilite les techniques de propagandes employées par les États-Unis durant la Guerre froide – la division du monde en deux blocs, partagé entre le côté des « méchants » et celui des « gentils ». Hélas pour lui, même les « gentils » dont il se sent si proche semblent douter de lui.
L’impopularité dont il souffre au Royaume-Uni après son apparition cet été n’est pas qu’un cas isolé. Le candidat a réussi à se mettre à dos la majeure partie des médias étrangers. En Russie, on craint un retour de tensions diplomatiques. Une déclaration du candidat lors d’une entrevue donnée à CNN en 2011 a donné le ton général de l’idée qu’il se faisait de la politique extérieure : « La Russie est notre ennemi géopolitique numéro un. Les Russes se rangent toujours derrière les pires acteurs politiques de ce monde ».
De quoi faire resurgir les fantômes enterrés de la Guerre froide. En Russie, on applaudissait au contraire les efforts de collaboration entamés par Obama.
La Chine à dos
Romney s’est mis la Chine à dos d’une manière similaire. En déclarant la guerre au « made in China », au taux de change du yuan et en critiquant la politique sociale de Beijing, le candidat a établi la vision d’un 21ème siècle purement américain d’où la Chine est exclue. Des déclarations si ouvertes démontrent un clair manque de tact en matière de diplomatie. « Essayez de tenir tête à la Chine, gouverneur Romney », avertissait Barak Obama, moqueur, durant l’un des débats.
Obama toujours populaire dans le monde « occidental »
Dans le monde dit « occidental », en Europe, au Canada, en Australie, la candidature d’Obama en 2008 est encore dans tous les esprits et était le symbole d’un renouveau américain. Obama représentait la fin de l’ère Bush et d’un pays qui entendait dominer l’Occident.
Quatre ans plus tard, Obama semble être encore la meilleure option possible. Les médias grecs et espagnols ont déjà pris le candidat républicain en grippe. En parlant de la Grèce, Romney affirme lors d’un meeting de campagne dans l’Ohio : « Nous ne prendrons pas le chemin de la Grèce. Nous allons faire en sorte que l’Amérique redevienne l’Amérique ».
Le candidat a tendance à voir dans l’Europe un modèle socialiste en contradiction avec sa politique néo-libérale et conservatrice. Le journal espagnol El Pais (Madrid) rappelle que Romney, en critiquant les politiques économiques d’alliés historiques des États-Unis, ne fait ainsi que se les mettre à dos.
Seul allié : Israël ?
Le seul pays semblant trouver grâce aux yeux du candidat est Israël. « Je réaffirmerai nos liens historiques avec Israël et notre engagement total pour sa sécurité », a‑t-il affirmé lors d’un discours à l’Institut militaire de Virginie.
Mais c’est là le seul pays du Moyen-Orient avec lequel il entend s’allier. Romney multiplie des déclarations dans lesquelles il mentionne la capacité des États-Unis d’intervenir au Moyen-Orient pour « réorganiser la région » à tout moment. Des déclarations qui sonnent creuses selon le Daily Star de Beyrouth – d’une part parce qu’il est candidat et parce qu’il n’affiche aucune proposition claire par rapport à la situation.
Des discours, que des discours ? Des promesses ou déclarations que le candidat républicain à la Maison Blanche adoucira certainement s’il est investi. Reste que selon les médias internationaux, sa vision d’un monde dominé par les États-Unis ne fait pas l’unanimité.