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Jusqu’à ce que ça résonne

Un éclair de génie dont on ressort plus troublé qu’on l’aurait voulu.

Je me rappelle avoir vu entrer dans la salle devant moi une fillette d’à peine une dizaine d’années, toute rayonnante dans sa petite robe rouge et ses souliers noirs scintillants. Elle accompagnait « maman » au ballet et s’attendait à y passer une soirée remplie d’émerveillement. Je ne puis malheureusement pas vous assurer qu’elle ait finalement apprécié sa soirée. 

Hofesh Shechter, chorégraphe israélien acclamé par la presse britannique et coup de cœur de la saison « Danse Danse » de 2009, refaisait son apparition sur la scène du théâtre Maisonneuve avec sa nouvelle œuvre, Political Mother, au son des violons. Quand la scène s’illumine, un samouraï agenouillé au centre de la scène se fait harakiri. La musique est lente, presque langoureuse, mais cela ne dure pas. En un clin d’œil, la scène se transforme et Political Mother nous apparaît dans toute sa splendeur. 

Dans cette pièce, la musique, créée elle aussi entièrement par Hofesh Shechter, se partage également l’attention des spectateurs avec la chorégraphie. « Je m’imagine dans une quelconque ville déserte, en fin d’après-midi, en compagnie d’un groupe de vieux musiciens égyptiens […] une cigarette pendue aux lèvres pendant qu’ils jouent […]. Je pense à des unissons qui nous emportent comme des grandes vagues », explique Hofesh Shechter dans son avant-propos. Pourtant ce n’est pas une ville déserte où règnent le calme et l’ordre, c’en est une où la peur et la discorde l’emportent.
Roulement de tambour, militaire, voire violent. Harmonie et discorde de quatre guitares électriques. Discours cacophonique, incompréhensible et agressif d’un dictateur surplombant la scène depuis son estrade haute de plusieurs mètres. En moins de quelques secondes, la musique nous accapare, nous englobe, mais ce n’est pas pour dire quelle plaira à tous. Très forte et rythmée, elle rappelle ce bon vieux « Métal » si peu apprécié de la gent bourgeoise fréquentant habituellement les spectacles de la Place des Arts. La pièce en tant que telle cherche à nous faire sortir de notre confort. 

Le message, bien qu’il soit libre à l’interprétation, fait ressortir une très grande impression de violence, que ce soit dans la musique ou dans les mouvements. Mouvements saccadés, désarticulés, mais d’une fluidité… Regards bas, regards vides. Un peu comme des pantins disloqués, physiquement et psychologiquement, des fous dans un asile, les danseurs se déplacent dans l’espace dans de grands mouvements d’ensemble qui nous rappellent ceux d’un être à qui on aurait retiré toute capacité de réflexion, d’autodétermination. Comme nous le dit Sam Coren, l’un des danseurs, lors de la séance de questions à la fin du spectacle, « danser du Shechter, c’est plus que simplement bouger son corps et avoir de la technique, c’est être capable de lier nos mouvements à nos émotions et à la musique, et de vivre à l’intérieur d’eux ».
Lorsque Bruno Guillore, directeur de répétitions, demande quelle est notre interprétation personnelle du spectacle, peu osent répondre. Mais, étrangement, tout au long du spectacle l’impression de se retrouver prisonnier d’un univers dévasté, défiguré, nous prend à la gorge et ne nous quitte qu’après avoir entendu les dernières notes de la pièce de Joni Mitchell qui clot le spectacle. 


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