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Le septième continent

Science ça !

Au XXe s., le plastique devait sauver le monde. Cette matière issue du pétrole signait l’avènement de la modernité en offrant une alternative au bois et au papier. Plus besoin de s’enchainer aux arbres ; le Tupperware venait à la rescousse ! Finis les sacs en papier brun à l’épicerie : on fit un pari écologique.

Bien sûr, ce défi écologique était d’abord financier. Malgré tout, les entreprises pétrolières allaient bénéficier du courant écologique des trois R : « réduire, réutiliser et recycler ». Les polymères s’y conformant davantage que le papier, pourtant une ressource renouvelable, gagnèrent en popularité. Par exemple, le sac en papier brun fut troqué pour la boîte à lunch. La durabilité et la maniabilité du plastique en firent un produit chéri du consommateur. Ajoutons à cela qu’il fut rapidement démocratisé, puisqu’il est à la fois moins cher que le bois et que le textile.

Mais, croissance économique oblige, le premier des trois R, « réduire », ne fut pas respecté. De plus, la biodégradation du matériau révolutionnaire allant de 100 ans à plus d’un millénaire, on se retrouve aujourd’hui avec le problème suivant : du plastique dans notre alimentation.

Les déchets de plastique se retrouvent en grande partie dans l’océan pacifique formant ainsi un « septième continent » comme l’expression populaire le décrit. Ces détritus sont réunis là où les grands courants-jets se rencontrent, s’étalant sur une superficie plus grande que celle de la France. En 2006, un bateau de Greenpeace entrait en collision avec cette masse évaluée à des millions de tonnes.

Sous l’effet des rayons du soleil et du sel marin, le plastique se fragmente (mais ne se biodégrade pas) en morceaux microscopiques. Le reste du puzzle devient alors évident : des animaux ingurgitent ces sous-produits, les incorporant ainsi à la chaîne alimentaire au sommet de laquelle nous nous trouvons.

On connait déjà les effets des perturbateurs hormonaux contenus dans les plastiques sur notre système endocrinien. En imitant l’œstrogène, ils se logent dans nos récepteurs cellulaires et modifient nos équilibres hormonaux. On soupçonne même que la baisse drastique de la fertilité chez les hommes en Amérique du Nord durant les dernières décennies soit due aux composants de plastiques, dont le célèbre bisphénol‑A, qui nuirait également au fœtus durant la grossesse. Alors, en plus du contact direct avec le plastique, nous l’incorporons désormais dans notre corps à travers notre alimentation.

Régler ce problème rapidement s’avère pratiquement impossible. Ce septième continent se trouve en eaux internationales, donc aucun pays ne se considère responsable. Nous ne pouvons donc pas compter sur la volonté politique individuelle de chaque pays. Trouver une substance chimique capable d’accélérer la biodégradation des plastiques ? Qui financera les recherches ? Attraper cette île à l’aide d’un filet géant, puis le lancer dans l’espace ? Le bisphénol‑A fait vraiment délirer… vivement la pénurie de pétrole sur Terre !


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