Au Canada, le sang est, légalement parlant, une drogue et par ce fait même le gouvernement fédéral est en charge de dicter les politiques en réglementant son don. Cette politique, mise en place en 1983 au Canada et dans plusieurs autres pays industrialisés, a été révisée à plusieurs reprises, et tout dernièrement par le gouvernement conservateur, mais la clause concernant les relations sexuelles entre hommes n’a pas été modifiée. Au moment de donner du sang, un homme qui « depuis 1977, [a] eu une relation sexuelle avec un homme, même une seule fois » n’a pas le droit de donner sur une base permanente.
L’exclusion d’hommes homosexuels des banques de sang serait basée sur des taux d’infection de sang beaucoup plus élevés. En fait, selon Héma-Québec, « la fréquence d’infection au VIH est beaucoup plus élevée chez les (hommes) homosexuels que dans la population générale (10% infectés chez les hommes homosexuels, 1% infecté dans la population générale)». En 1983, le manque de savoir scientifique au sujet du VIH SIDA et des techniques peu développées pour détecter le virus, pouvaient en quelque sorte justifier le processus.
Par contre, depuis plusieurs années, des tests de dépistage plus rapides et plus précis ouvrent aux homosexuels la voie au don de sang sans en compromettre la qualité. Dr Norbert Gilmore, en entrevue à Radio-Canada, affirme qu’avec « la technologie moderne, il est presque impossible que le VIH passe par les mailles du filet ».
Héma-Québec, affirme de son côté, en guise de défense de la politique, que « malgré la bonne performance de ces tests, le risque de ne pas détecter un don de sang infecté, si minime soit-il, n’est pas nul, en raison de la limite de la sensibilité des tests (…) nous interdisons des donneurs à haut risque d’infection transmissible par le sang, malgré l’utilisation des tests de dépistage ».
Il est vrai que la qualité du sang à fin de transfusion est primordiale et il y a donc lieu de questionner les donneurs sur leurs pratiques sexuelles « à hauts risques », mais il n’est pas acceptable qu’une relation homosexuelle soit jugée comme le critère de risque le plus important. Cette considération devrait s’appliquer de manière égale à tous les donneurs potentiels, et ce, peu importe leur orientation sexuelle.
Il est par exemple inacceptable que le statut d’un homme homosexuel qui vit une relation monogame à long terme soit considéré comme étant de plus haut risque que celui d’une autre personne aillant de multiples partenaires sexuels ou des pratiques à « hauts risques ». Il faudrait prendre exemple sur l’Espagne et l’Italie où la période d’exclusion (de quatre et six mois respectivement) des personnes à haut risque est fixée sans tenir compte de l’orientation sexuelle des donneurs.
La privation totale des dons d’une partie importante de la population donne lieu à un manque non négligeable pour les banques de sang et ses récipiendaires. Héma-Québec crie depuis plusieurs années à la pénurie perpétuelle de produits sanguins, enchaînant campagne publicitaire après campagne publicitaire. La pénurie serait peut-être moins importante si la politique était plus raisonnable.
5 ans d’abstinence
Héma-Québec est en faveur d’une levée de l’interdiction permanente actuellement en vigueur, afin d’appliquer plutôt une période d’interdiction temporaire de 5 ans, et a soumis à cet effet une demande à Santé Canada. Même avec cette modification, n’importe quel homme homosexuel avec une vie sexuelle active, même stable, ne pourra donner du sang.
Étant donné que la politique canadienne actuelle en matière de don de sang semble suggérer à la population que le sang des homosexuels est de moins bonne qualité, un changement de politique s’impose. Un équilibre basé sur des preuves scientifiques peut être trouvé entre le risque de contamination du sang de transfusion et les avantages émanant de l’augmentation du nombre de donneurs.