Aller au contenu

Radio-Canada sous la loupe

Faire plus avec moins.

Radio-Canada est en pleine transformation. Alors que ce média s’adapte à un monde de plus en plus multiplateforme avec de moins en moins de ressources, l’avenir du télédiffuseur public soulève des questions. Ce débat était le sujet d’un atelier lors du congrès annuel de la fédération des journalistes du Québec, qui avait lieu la fin de semaine du 16 au 18 septembre, à Saint-Sauveur.

« Radio-Canada est-il en train de s’éteindre à petit feu dans l’indifférence générale ? ». Voilà le thème sur lequel le sujet a été analysé par l’ancien vice-président du CRTC, Michel Arpin, ainsi que par le directeur de l’information de Radio-Canada, Michel Cormier. En effet, les perspectives sont de plus en plus sombres pour Radio-Canada, alors que le média s’adapte à un monde demandant de plus en plus d’information rapide et omniprésente, mais dont le budget fond à vue d’œil.

Alors que le CRTC a commencé à étudier le mandat et l’avenir du radiodiffuseur public lundi dernier, l’ancien vice-président du conseil ne pense pas que le média est porté à disparaître : « Radio-Canada va résister au temps. Les contribuables ne sont pas prêts à investir davantage dans la radiodiffusion publique qu’ils le font présentement, mais ne sont pas prêts de le voir disparaître », explique Michel Arpin. Il soutient que l’avenir du média réside en une adaptation de ses services, entre autres avec une nouvelle synergie avec son équivalent anglais. Ainsi, il croit que l’investissement dans les canaux spécialisés, comme RDI ou encore Artv, pourra rapporter à Radio-Canada. 

Pour Michel Cormier, directeur de l’information, un des plus gros défis actuels du réseau est l’adaptation à la présentation multiplateforme et la diversification de l’offre d’information, le tout en gardant les nouvelles pertinentes et différentes. En effet, la nouvelle réalité du monde médiatique demande aux réseaux d’information d’offrir les nouvelles instantanément et à plusieurs endroits : à la radio, la télévision en direct, sur le web et les réseaux sociaux. Cette situation demande un réaménagement dans la manière de présenter l’information, puisqu’il est difficile d’y diffuser la même nouvelle d’une façon pertinente de 8 à 22 heures. Pour ce faire, le rendez-vous de soirée vise à aller plus loin dans les sujets en y faisant des analyses : « C’est le lieu pour approfondir les sujets, c’est ce qu’on sent que les gens réclament », explique Michel Cormier.

La rédactrice en chef du Devoir, Josée Boileau, s’est faite critique face aux choix éditoriaux de Radio-Canada. Elle dit ne plus savoir à quoi s’attendre lorsqu’elle écoute le téléjournal : « Parfois, le bulletin de nouvelles ouvre avec un fait divers, et un autre jour, on y analyse un sujet pendant les 15 premières minutes », affirme t‑elle. « Dans ces rendez-vous quotidiens, mon problème, c’est que je ne sais pas à qui Radio-Canada parle. Je ne sais pas dans quoi je vais, j’ai l’impression que Radio-Canada se cherche », a‑t-elle conclu. La journaliste soutient que Radio-Canada provoque la confusion en offrant de l’information régionale, nationale, des faits divers et l’analyse dans les bulletins de nouvelles. « Lorsque j’écoute TVA, je sais à quoi m’attendre. Pas à Radio-Canada », déplore-t-elle. 

Avec les chaînes d’information en continu, un des défis de Michel Cormier est aussi de présenter, toute la journée, des nouvelles pertinentes et différentes. Il explique le succès de ce choix par les bonnes cotes d’écoutes des émissions du soir, comme celle d’Anne-Marie Dussault. Michel Cormier souhaite également trouver un moyen de concurrencer avec le journalisme d’opinion qui se fait de plus en plus omniprésent et de plus en plus populaire dans les autres médias. 

La question du mandat a aussi été effleurée, alors que le journaliste Julien Paquet, de Transcontinental, a questionné le besoin de Radio-Canada d’aller chercher des cotes d’écoute. L’ancien vice-président du CRTC s’est fait clair à ce sujet : « S’il n’y a pas d’écoute, pourquoi les contribuables devraient-ils continuer à payer ? », a répliqué Michel Arpin.

Alors que l’avenir de ce média réside dans une nouvelle synergie avec la CBC, la discussion qui avait lieu samedi a également étudié les difficultés de la branche anglaise du réseau. En effet, les parts de marché sont beaucoup plus faibles chez l’équivalent anglais de Radio-Canada, et la chaîne française devra ainsi absorber les déficits de la CBC. La Canadian Broadcasting Corporation fera en effet face à plusieurs défis financiers. Le lock-out de la LNH contribue à ce déficit : « Sans le Hockey night in Canada, CBC connaît une importante baisse de revenus publicitaires. L’avenir s’annonce sombre si on veut miser seulement sur les revenus publicitaires », explique Michel Arpin.

Le mandat et le financement du réseau seront étudiés pendant les deux prochaines semaines par le CRTC, une première fois depuis plus de dix ans. En mars dernier, le budget fédéral annonçait des compressions budgétaires de 10% à Radio-Canada. Le média se voit ainsi amputé de 115 millions de dollars sur trois ans et 650 postes seront perdus lors de cette période. Le directeur de l’information de Radio-Canada, pour sa part, mise sur la réorganisation du réseau et les recommandations du CRTC. Pour la question du financement, Michel Cormier n’espère pas vraiment recevoir plus d’argent du gouvernement, puisque selon lui, c’est un choix démocratique qui a été fait par la population canadienne.


Articles en lien