On se lève aux petites heures du matin, le sac à moitié plein, le cœur léger, les paupières lourdes… On regarde sa montre sans cesse, le vol part à 10 heures… «‘faudrait arriver à quelle heure ? »
Une fois dans le taxi on a l’impression d’avoir oublié quelque chose, la pâle lueur matinale illumine la ville d’un éclat orange presque doré, il fait froid et les rues sont calmes, seules quelques voitures circulent doucement, il est huit heures, Montréal s’éveille.
Ensuite, c’est l’arrivée et la douane. On arrive devant l’entrée et on se rend compte que notre petite flasque de parfum est un danger aérien, on la range dans un sac en plastique qui la rend magiquement inoffensive. Impressionnante, la technologie moderne, non ? On arrive ensuite devant les tapis roulants de la douane. On enlève notre portable de notre sac pourtant si bien rangé, on passe au détecteur de métal. « Biiiiiip », la lumière rouge s’est allumée, on enlève nos chaussures, notre ceinture, notre montre, on s’excuse à la personne qui attend derrière nous et on repasse.
Ouf, lumière verte, le douanier nous regarde tout de même sévèrement et on s’empresse de remettre toutes les petites affaires dans nos poches et de fourrer notre portable dans notre sac n’importe comment. On s’empresse à marcher sur les tapis roulants pour attendre une heure et demie à la porte A37.
C’est alors que commence le début de l’enfer volant. L’avion : autrefois un exploit humain, ensuite un moyen de transport où les hôtesses ressemblaient à des pin-up et la nourriture était digne d’un restaurant trois étoiles. Aujourd’hui, ils se sont convertis en véritables bus volants. « L’avion en destination de… Paris-Charles-de-Gaulle… à la porte, A37 se prépare à partir », dit une charmante voix. On se précipite pour pouvoir mettre notre sac dans un des coffres et on se serre entre une femme avec un enfant qui pleure déjà et une espèce d’hippopotame en vieux costume qui sent la réglisse et le tabac froid. Sur la ceinture, un vieux chewing-gum s’est étalé. La tablette est de travers et la passagère à droite vient de fermer le hublot, alors que le monsieur occupe d’un bras poilu tout l’accoudoir de gauche.
Et puis, après un discours sur la sécurité et la splendeur de la carcasse qu’on a daigné nommer un avion — un vrombissement, une légère pression qui nous pousse dans le fond de notre fauteuil gris et on est en l’air. Tout le monde se plaint déjà. La femme à droite veut aller aux toilettes, le monsieur à gauche est outré du fait que les écouteurs ne soient pas gratuits et que le choix de film soit si médiocre. On apporte le déjeuner. « Poulet au riz, bœuf aux légumes ou pâtes ? », nous demande une dame pressée sur un ton robotique et dans le même uniforme qu’une postière. Le mammifère cétartiodactyle à gauche prend le bœuf en redemandant un verre de vin et la femme de droite se décide enfin sur les pâtes. Repas frugal, trop chaud, sans goût, il manque une fourchette, le yaourt ressemble étrangement à de la nourriture de Teletubbies et le pain a un goût particulier de carton.
L’hôtesse repasse prendre les poubelles. « Comment avez-vous trouvé votre bœuf monsieur ? », demande-elle à mon voisin. « Oh, par hasard, sous un haricot », répond-il avec un sourire de vendeur d’assurance. Elle ne sait pas si elle doit rire ou se sentir offensée donc elle fait comme si elle ne l’avait pas entendu, et passe son chemin derrière son chariot à poubelle.
Apres six heures de vol (je ne sais si je parle du transport en avion ou du prix des billets), le pilote nous annonce notre altitude – passionnant, la météo d’arrivée et nous demande de remettre nos sièges en position droite. L’arrivée ressemble trop au départ, tout le monde se presse de sortir, mais qui peut leur en vouloir ? On montre notre passeport à un inspecteur qui a l’air aussi fatigué que nous et on attend patiemment devant un petit tapis roulant pour apercevoir notre valise maintenant toute poussiéreuse et amochée.
Je ne dis pas que prendre l’avion n’est plus un privilège. Je suis reconnaissant du fait qu’un voyage qui autrefois nous prenait des années et de l’intrépidité nous prenne maintenant quelques heures où on passe un petit test douanier et on regarde une téloche pendant six heures. C’est vrai, voler est presque un miracle de l’ingénuité humaine ! Je dis seulement que les compagnies aériennes devraient arrêter d’essayer de nous convaincre de leur qualité en montant leurs prix et en habillant leurs hôtesses en cadettes de l’air. Ryanair a de bas prix, pas de nourriture, les hôtesses portent des habits simples — et si c’est ça la différence entre quelques centaines de dollars, les gens d’Air Transat, comme dirait le capitaine Haddock, se fichent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate s’ils pensent que leur « luxe » nous convainc de leur supériorité. Quel vol n’est-ce pas ?