Au terme d’une vingtaine de jours marqués par une offensive spectaculaire menée par l’armée française contre les groupes armés qui contrôlent une partie du Mali, le président François Hollande a été accueilli à Tombouctou avec tout le faste habituellement réservé aux grands héros de guerre.
Depuis le début de l’intervention au Mali, le Président a plutôt bonne presse à la maison. À Bamako, dimanche, François Hollande affirmait aussi à qui voulait bien l’entendre que sa visite au Mali marquait le plus grand jour de sa carrière présidentielle. Derrière l’enthousiasme exacerbé du Président se cache toutefois une réalité beaucoup plus sombre. Au-delà des célébrations entourant la libération de Tombouctou, la visite de François Hollande visait surtout à faire oublier aux militaires français déployés au Mali que le pire reste encore à venir. Alors même que François Hollande paradait, les forces françaises préparaient une offensive aérienne d’envergure visant à fragiliser les positions des combattants « islamistes » lourdement armés qui ont fui vers le nord pour mieux se regrouper.
À moins de pulvériser complètement les combattants du nord du Mali, la France devra éventuellement se résigner à laisser aux mains des forces militaires maliennes un pays nettement plus gangrené par la violence et par l’intégrisme qu’il ne l’était auparavant. En effet, les forces françaises et maliennes qui en avait déjà plein les bras avec les combattants d’Ançar Dine s’apprêtent maintenant à trouver au Nord de Tombouctou un interlocuteur autrement plus sympathique, Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI).
Par ailleurs, ce que François Hollande aime qualifier de « terrorisme » est avant tout né d’une guerre civile exacerbée par un gouvernement illégitime qui a promis de réprimer le mouvement de libération nationale touareg dans le sang. L’«islamisation » du conflit est aussi le produit direct de la répression violente d’un mouvement de nature identitaire. L’intervention française au Mali, comme toutes les manches de la « Guerre contre le terrorisme », s’attaque à des victimes de l’histoire transformées en bourreaux. En définitive, elle contribue par le fait même à créer de nouveaux martyrs.
Il est ainsi possible de déduire avec une certaine aisance qu’il ne saurait y avoir de retour tranquille au statu quo ante bellum au terme de l’intervention française au Mali. En effet, les enjeux du conflit gagnent constamment en complexité en raison de leurs ramifications identitaires et religieuses, mais également en raison de la misère profonde qui frappe depuis trop longtemps la région du Sahel.
Tandis que François Hollande s’envolait vers Paris, les bombardements français commençaient à pleuvoir sur la région de Kidal, dans le Nord-Est du Mali. Si les frappes ont été prévues de manière à mettre à mal l’effectif militaire des rebelles d’Ançar Dine avant d’entamer une remontée terrestre, il convient de garder à l’esprit que c’est dans cette même région de Kidal que seraient détenus les 7 otages français du Sahel enlevés par l’AQMI en 2011 et 2012. Voilà aussi un douloureux rappel des risques liés à une intervention armée dans une région qui fourmille de militants intégristes, au « Maghreb Islamique » comme ailleurs : ceux qui s’y engagent se lancent presque inévitablement dans une longue et pénible bataille contre un ennemi invisible qui n’a rien à perdre et qui sait surtout tirer profit de ses méthodes de combats chaotiques, aléatoires et imprévisibles.
Ce que François Hollande n’a pas osé dire à Tombouctou, c’est que l’armée française court à présent tous les risques de s’enliser dans le massif des Ifoghas tandis qu’AQMI, forte de nouveaux arguments pour recruter encore plus de désespérés en ses rangs, en sera déjà à préparer sa prochaine offensive.