« BILAN : 45 arrestations en vertu du P‑6. Aucun blessé. Aucun méfait. #manifencours » déclarait fièrement le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) sur les réseaux sociaux le 20 mars. Aucun méfait, 45 arrestations ; trouvez l’erreur. Depuis quelques semaines, le SPVM invoque le règlement municipal P‑6 avant même que la manifestation puisse prendre la rue et procède à des interpellations de masse.
Le rassemblement contre la brutalité policière, le 15 mars, le rassemblement « hebdomadaire » de soir, le 20 mars, et la manifestation du 22 mars, marquant un an après la première manifestation des 22, se sont tous soldés, ou plutôt ont tous été avortés de cette même manière.
Suite à une modification du règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre public, et sur l’utilisation du domaine public (P‑6) par la Ville de Montréal, il est dorénavant interdit de participer à une manifestation le visage couvert et sans avoir préalablement fourni d’itinéraire à la police. Quelques pas qui risquent de vous coûter cher : 637 dollars pour être exact.
Un jour avant la manifestation, le 14 mars, La Presse titrait que le SPVM annonçait qu’il « pourrait appliquer la loi et la réglementation municipale de façon plus rigoureuse ». De plus, en entrevue à La Presse canadienne, vendredi soir, un porte-parole du SPVM, le sergent Latour, a déclaré que la charte « permet la liberté d’expression, mais pas de liberté de manifestation ». Même McGill n’y va pas si ouvertement lorsque l’administration s’affère à limiter le droit d’assemblée pacifique ; à l’université au moins, on prétend vouloir maintenir un « énoncé de valeurs et principes » sacrés.
L’article 3 du chapitre 1 de la Charte des droits et libertés du Québec stipule cependant très clairement que « toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association ». La Charte canadienne quant à elle révèle que « chacun a [des] libertés fondamentales », incluant la « liberté de réunion pacifique » (article 2c). Les policiers ne semblent pas avoir pris l’habitude de lire leurs droits aux manifestants, mais les connaissent-ils eux-mêmes ?
Avant l’annonce du 14 mars, les policiers montréalais attendaient de pouvoir invoquer un méfait avant d’intervenir et disperser la manifestation ou procéder à des interpellations. Les tactiques semblent avoir changé juste à temps pour l’arrivée du printemps —sans mauvais jeux de mots—, décourageant un à un, à coups d’amendes, ceux qui l’année dernière ont contribué aux plus imposantes manifestations de l’histoire québécoise. Même la procession des Rameaux sur Saint-Urbain se déroulait deux à deux, sur le trottoir, suivi de deux auto-patrouilles. Heureusement, personne ne portait de masque.
État policier ou pas, le fait est que, comme le disait à La Presse André Poulin, directeur général de Destination Centre-Ville, le 6 mars : « En ce moment, les policiers attendent qu’un méfait soit commis pour intervenir ». Preuve que le SPVM est bien « à l’écoute de la population », une semaine plus tard, les policiers n’attendent plus les boules de neige avant de protéger « les droits de ceux qui font des affaires dans le centre-ville ».
Sur son site Internet, le SPVM invite « tous ceux et celles qui se sentent concernés par la loi 78 ou le règlement P‑6, et qui désirent les appuyer ou les dénoncer, à le faire dans l’ordre et le respect ». De ce côté, le SPVM ne sera pas en reste. Déjà, une manifestation pour l’abolition du règlement municipal P‑6 est prévue pour le 22 avril 2013.