La comédie musicale inspirée de la pièce du même nom écrite par Michel Tremblay en 1968 était de retour à Montréal à partir du jeudi 12 septembre pour une série de huit représentations. René-Richard Cyr signe la mise en scène et le texte des chansons, interprétées sur une musique de Daniel Bélanger. Cette adaptation arrive bientôt à sa 200e représentation, après deux ans de tournée au Québec et en France.
Les Belles-Sœurs sont Germaine Lauzon (Marie-Thérèse Fortin), ses sœurs, sa fille et ses voisines. Elles se réunissent pour un « party de collage de timbres ». Germaine ayant gagné un million d’entre eux, pourra se procurer tout ce qu’elle désire dans un fameux « cataloye », une fois qu’elle les aura réunis dans des carnets. En tout, quinze femmes se retrouvent sur scène pour aider Germaine dans sa quête.
Les admirateurs de l’écriture de Michel Tremblay qui auraient peur de voir le style de l’auteur effacé par les chansons et la musique peuvent être tranquilles. René-Richard Cyr a su rester fidèle au joual et aux personnages si particuliers à Tremblay. De plus, les dialogues sont identiques au texte original. La pièce consiste d’ailleurs plus en dialogues interrompus par des tableaux musicaux qu’en une comédie musicale chantée du début à la fin. En outre, les costumes et les décors situent la pièce dans les années 1960, conformément à l’œuvre d’origine. Les personnages de femmes au foyer appartiennent à la classe ouvrière du Québec de cette époque.
Quant aux comédiennes, elles font aussi honneur au texte de Tremblay. La mise en scène et les chansons permettent au public de découvrir chacune des quinze belles-sœurs. Elles sont très appréciées du public, le prenant à témoin dans leurs disputes et le rendant complice de leurs manigances. Ainsi, même si Germaine est celle qui a gagné les timbres, toutes les femmes ont l’occasion d’exprimer leurs désirs et leurs déceptions, surtout par le biais de chansons. Celles-ci montrent une communauté de femmes solidaires où l’entraide est primordiale.
Cependant, les scènes musicales révèlent aussi la vraie nature de ces femmes qui possèdent peu, que ce soit au niveau matériel qu’émotionnel. Ainsi, la jalousie devient de plus en plus apparente, alors que les timbres gagnés par Germaine sont l’image de tout ce que ces femmes ne pourront jamais avoir ; le collage répétitif des timbres reflète leur captivité dans la routine monotone du quotidien.
Dans cette adaptation, la vérité des personnages devient apparente lors des tableaux musicaux. De ce fait, l’équilibre entre la comédie et le drame est atteint par les transitions qui s’accélèrent tout au long de la pièce. Sans les chansons, l’interprétation des comédiennes aurait pu facilement tomber dans la caricature et le public aurait perdu ce qui rendait les personnages de Tremblay humains : leur impuissance à changer la situation dans laquelle ils se trouvent. En effet, le seul moyen de rêver, dans l’univers des Belles-Sœurs, est de participer à des concours. Mais la chance n’est pas du côté de ces femmes, comme elles le répètent plusieurs fois : « J’ai-tu l’air de quelqu’un qui a déjà gagné quelque chose ? » Ainsi, cette adaptation réussit à innover tout en restant fidèle au travail de Michel Tremblay.