Imparfait ou plus-que-parfait ?
J’aime le graffiti pour un tas de raisons. Mais je l’aime surtout parce ce que, de part sa nature et celle de notre société, le graffiti est constamment appelé à s’adapter, à se remettre en question, à évoluer. Un peu comme nous en fin de compte, simples homos sapiens sapiens que nous sommes. Plus particulièrement, c’est la consistance même du graffiti, c’est à dire le « writing », qui change et donne le ton à de nouvelles tendances comme celles qui se cachent derrière ce mot-valise original : le graffuturisme.
Inventé par le graffeur Poesia en 2010, le terme m’a d’abord interpellé à cause des paradoxes qu’il entretient. Effectivement, le graffiti n’a, a priori, rien de futuriste. Il vit dans l’ère du temps, a pour muse des sujets d’actualité sévères comme le crise du capitalisme, le « cancer social », la dégradation de l’environnement, etc… Mais pourtant, le monde actuel, digital, marqué par des technologies nouvelles qui connectent le monde entier est tourné vers le futur, d’où, peut-être, les formes géométriques et l’absence de lettrage « manuscrit » dans le graffuturisme. Second paradoxe, le street art est, par définition, destiné à transmettre une idée, laisser un message à la vue de chacun ; intention que l’on a du mal à percevoir à première vue dans ce mouvement embryonnaire.
Ce dernier, initié par des artistes comme Lek, Futura, Lokiss ou encore Sowat, a voulu d’abord démontrer que le graffiti devait s’assimiler à une énergie, une gestuelle, un dynamisme des formes plus qu’à une simple calligraphie porteuse d’un message spécifique. Le but est alors de se rapprocher de la rue, lieu de naissance du graffiti, mais aussi de tendre vers quelque chose de plus travaillé, plus proche de la complexité actuelle du graphisme que de la simplicité de la culture de masse représentée typiquement par les « cartoon » des années 1990. Néanmoins, il ne faut pas oublier que ces writers s’inspirent du Futurisme, mouvement artistique déjà reconnu et apprécié, et de ses maîtres tels que Balla, Bourliouk ou encore Boccioni.
Plus proche d’un art traditionnel et déjà adopté par les mentalités, il s’éloigne de la signature banale que l’on trouve à chaque coin de rue. Plus sophistiqué, il caractérise également l’artiste en tant qu’individu marqué et grandi par sa propre histoire.
Sur un ton plus poétique, je définirais ce mouvement comme une aventure menée hors des sentiers balisés de l’Histoire de l’art et forgée collectivement dans l’espace illimité de la ville dont les déclinaisons sur toile ne seraient au fond que de modestes traces. L’art avec un grand A, simple phénomène marginal ? Conjuguez à votre aise !