Entre 30 000 et 50 000 personnes selon les organisateurs – 6 000 d’après la police – sont venues dénoncer le projet de Charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois, le samedi 14 septembre. Cette charte prévoit l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour tous les employés du secteur public, y compris dans les universités. Elle obligerait aussi d’avoir le visage découvert pour tous ceux qui donnent ou reçoivent un service de l’État et établirait une plus stricte limitation des accommodements religieux.
Des individus de toutes origines, notamment musulmane, juive et sikh, mais aussi nombre d’étudiants et de Québécois « de souche » ont manifesté depuis la place Émilie-Gamelin à la très symbolique place du Canada. Le tout s’est déroulé dans une ambiance pacifiste, sous l’œil vigilant des brigades anti-émeutes. L’événement était organisé par un rassemblement d’associations religieuses de diverses confessions, avec le Collectif québécois contre l’islamophobie (CQCI) en tête de proue.
Les opposants à la Charte ont voulu mettre en avant son côté discriminatoire. Pour eux, elle vise principalement les minorités dont les signes religieux sont très visibles (le turban pour les sikhs ou le hijab pour les musulmanes par exemple).
Adil Charkaoui, porte-parole du CQCI, dénonce, lors d’un discours, un projet « discriminatoire et liberticide […] qui empiète sur les droits de ces minorités », ainsi que sur les libertés d’opinion, de culte et sur l’égalité entre les citoyens. Son organisme exige par ailleurs que la chef du Parti Québécois, Pauline Marois, et le ministre aux Institutions démocratiques et à la participation citoyenne, Bernard Drainville, s’excusent auprès des communautés concernées. D’aucuns pensent que la Charte leur ferait perdre leur emploi, voire les amènerait à quitter le Québec. « On sera obligé d’aller en Ontario », confie une étudiante musulmane au Délit. D’autres voient dans ce texte la porte ouverte à des mesures plus strictes, comme la pénalisation du port du voile dans l’espace public par exemple.
Certains étudiants des universités publiques craignent, quant à eux, une dégradation des relations au sein du corps professoral. Le leitmotiv reste le risque de division des communautés et la marginalisation de certaines dans le monde du travail, surtout dans une ville aussi cosmopolite que Montréal. « Ne divisez pas le peuple du Québec ! », adresse M. Charkaoui comme avertissement à la Première Ministre, lors de son discours.
Au rythme des cuillères sur les casseroles et de slogans issus de la crise étudiante de 2012 (« Crions plus fort pour que personne ne nous ignore »), la manifestation rentre très vite dans une ambiance de protestation contre le gouvernement péquiste en lui-même. Beaucoup crient à la stratégie électorale destinée à attirer les voix des Québécois « de souche ». « Mme Marois, cherchez la majorité autrement », annonce une pancarte. « C’est une manœuvre de diversion », ajoute un manifestant, « il y a d’autres débats plus importants aujourd’hui ».
Le texte est en effet loin de faire l’unanimité parmi les partis politiques. Tous les partis politiques provinciaux et fédéraux s’opposent à la mise en place de la Charte des valeurs. Ottawa menace même de devoir faire appel à la justice si une telle Charte est appliquée.
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