Mercredi dernier, Cinema Politica faisait sa rentrée à McGill devant une salle pleine à craquer. Pour l’occasion, les organisateurs avaient choisi le documentaire israélo-palestinien Cinq Caméras Brisées. Le documentaire, prisé aux derniers Oscars, se forge autour des images qu’a filmées Emad Burnat sur ses caméscopes entre 2005 et 2008.
Le pop-corn sillonne entre les rangs, mais les regards sont captivés par le récit d’Emad. Cela pourrait être les images banales d’un père de famille tentant de capturer sur pellicule les premiers pas de son fils, le regard de sa femme, la vie quotidienne de son village. Mais c’est bien plus : en 2005, le gouvernement israélien décide d’ériger une barrière en plein milieu du village palestinien d’Emad. Les habitants se retrouvent séparés de leurs champs d’oliviers, une des principales ressources économiques du village. La vie d’Emad et de ses amis est chamboulée : manifestations, arrestations, altercations violentes avec l’armée. Emad et ses amis, armés de pancartes, font face aux soldats israéliens, qui n’hésitent pas une seconde avant de lancer des grenades de gaz lacrymogène dans la foule.
C’est au cours de telles manifestations que les caméras d’Emad, visées par l’armée, se brisent une à une. On lui fait rapidement comprendre qu’une caméra, ici et maintenant, c’est dangereux. Alors les images brouillées, le son grésillant, deviennent le reflet du dialogue impossible entre Israël et la Palestine. À qui la faute ? Emad ne revendique à aucun moment une quelconque haine contre Israël. En mettant les films des cinq caméras bout à bout, on recolle les morceaux. C’est un documentaire plein d’espoir que nous offre le réalisateur : le regard bourré de tendresse qu’Emad pose sur ses fils ; ses conversations à mi-voix avec sa femme, qui tente de le dissuader de filmer les manifestations ; l’admiration qu’il a pour ses amis. Il y a de l’humain dans les images d’Emad.
En septembre 2013, l’association fête ses 10 années d’existence. Cinema Politica a été inauguré à Montréal en 2003. Au fil des années, le succès du concept s’est propagé dans beaucoup de villes d’Amérique du Nord, en Europe, en Indonésie, en Australie et en Nouvelle-Zélande ; la plupart des antennes sont basées dans des universités.
Le mot d’ordre de l’association : réflexion. Le but premier est d’offrir une alternative aux messages pré-mâchés des médias ; inciter à la discussion ; encourager des débats sur des thèmes nouveaux. C’est donc un regard jeune, curieux et volontaire que Cinema Politica pose sur le monde…et ça marche : Cinq Caméras Brisées a suscité une longue discussion, animée par l’équipe de l’association. On y a parlé de l’avenir des enfants d’Emad. On s’est demandé ce que nous, ici, on pouvait faire pour eux, là-bas. Un élève palestinien a expliqué sa vision des choses, et souligné l’importance d’avoir une multitude de points de vue avant de se faire une opinion. D’une certaine manière, c’est rassurant de voir que les étudiants de McGill ont quelque chose à dire.
La semaine prochaine, Cinema Politica se tourne vers l’art contemporain : on aura l’occasion de voir Faites le mur!, réalisé par le mystérieux artiste Banksy. Rendez-vous mercredi à 18 heures devant la salle ARTS 145.