Dans le cadre de la semaine des Premières Nations, une conférence au sujet de la gouvernance multi-niveaux et du rapport entre les populations autochtones canadiennes et la Couronne s’est tenue le 24 septembre à McGill.
C’est dans une ambiance intime, face à un public réduit, que Christopher Alcantara, professeur agrégé en sciences politiques, a pris la parole pour ouvrir la discussion sur la question des rapports conflictuels entretenus entre les populations autochtones et la Couronne dans le Canada actuel. Le conférencier définit lui-même ceux-ci comme « un des problèmes sociaux et politiques les plus importants auquel le gouvernement doit aujourd’hui faire face ». De l’enterrement de l’Accord de Kelowna par Stephen Harper en 2006, au mouvement « Idle no more » de l’année dernière, la question de l’évolution des rapports entre populations amérindiennes et le gouvernment reste ouverte.
Mettre la « Loi sur les Indiens » au rebut
Comme le conférencier le souligne, toutes les tentatives de modification des relations entre populations autochtones et Couronne se sont toujours déroulées dans une perspective « top-down » (des plus hautes instances gouvernementales vers les communautés). Il ajoute qu’«aujourd’hui, tout le monde pense que la Loi sur les Indiens doit être mise au rebut ». Là où l’approche de Christopher Alcantara est novatrice, c’est que, pour lui, ceci ne peut être fait que si le démantèlement se fait du bas vers le haut, et non plus du haut vers le bas. Il a tempêté d’ailleurs à plusieurs reprises : « j’en ai marre que l’on blâme uniquement la Couronne ». Selon lui, on peut souligner deux raisons pour lesquelles la Loi sur les Indiens n’a pas encore disparu : personne n’arrive à savoir par quoi il faut la remplacer et certaines communautés ne peuvent pas dépasser la Loi sur les Indiens sans dommage. La solution réside alors dans le fait de « responsabiliser les communautés autochtones pour qu’elles puissent produire des mécanismes législatifs alternatifs aux différentes parties de la Loi sur les Indiens ».
Kelowna : la pauvreté d’abord
Malgré son échec final, trois leçons peuvent être tirées des négociations de l’Accord de Kelowna. Premièrement, chaque parti (politiciens et représentants des populations autochtones) a été capable d’exprimer différentes compétences d’expertise. La diversité des compétences devient ainsi la clé d’avancées concrètes. Deuxièmement, une approche universelle ne peut pas marcher. Par la diversité des Premières Nations, il n’est pas possible de penser une solution unique pour tous. Troisièmement, et c’est là la leçon la plus importante, la renégociation de ces rapports de force est difficile si l’un des deux partis est très pauvre, comme c’est le cas pour les populations autochtones à l’heure actuelle. En effet, comment établir un rapport égalitaire si l’un des deux partis ne dispose que de très peu de moyens pour défendre sa position ?
Un changement au niveau local
Pour le professeur Alcantara, c’est au niveau local que l’on peut aujourd’hui observer les avancées les plus intéressantes dans le rapport entre gouvernement et populations autochones. Des négociations sur des sujets aussi triviaux que l’enlèvement et le traitement des déchets permettent aux gouvernements locaux et aux dirigeants des populations autochtones de réaliser qu’ils possèdent en effet des intérêts communs. L’établissement de rapports de confiance sur ces sujets permet ensuite de projeter cette bonne entente à des niveaux supérieurs, facilitant ainsi la communication entre le gouvernement et les populations amérindiennes sur des sujets plus épineux.
Il est ainsi important de rappeler que, si le désir d’entretenir des rapports saints et égalitaires existe réellement, les dirigeants politiques doivent dépasser les actions symboliques pour se concentrer sur un travail concret et réellement progressiste.