Patrice Chéreau est décédé le lundi 5 octobre dans l’après-midi. Journée maussade pour ceux qui savent. Réagir à chaud est malaisé. Attendre c’est laisser passer le train.
Le Délit salue le départ de l’une des figures les plus marquantes du théâtre de ces quarante dernières années. Homme d’idées, d’action et de spectacle, personne autant que lui ne jouissait d’une reconnaissance symbolique si unanime dans le champ culturel.
Patrice Chéreau a mis au monde des dramaturges aussi puissants que Koltès, des comédiennes aussi imposantes que Dominique Blanc. Ses mises en scènes ont gagné des Molières, ses films ont gagné des Césars. C’est sans parler de Wagner, Marivaux, Genet, Shakespeare, Mozart, Racine, Dumas, Müller, Duras et tous les autres.
Après ceux-là, Chéreau a vécu et a su travailler. Son œuvre existe, autonome. Il peut aller rouler dans les étoiles, dormir sur les neiges du Kilimandjaro, courir nu la nuit dans un champ de coton. Enfin. Se reposer.
« Qu’on l’institutionnalise, qu’il devienne nom d’école, de place publique ! » Soit. Mais avant le bruit des fanfares, des charognes et des terribles cortèges, qu’on écoute ses mots, son « dire » si particulier : « j’ai fait une chose qui m’a bien plu mais qui était risquée » Cette phrase, je l’ai apprise à l’université. Cinq ans plus tôt, je voyais son adaptation de La Douleur dans un théâtre madrilène. Choc esthétique. Je m’en remettrai doucement, respectueusement, presque avec affection.