McGill a accueilli le débat Radio-Canada des principaux candidats à la mairie de Montréal le 9 octobre 2013. Richard Bergeron, Denis Coderre, Marcel Côté et Mélanie Joly sont venus débattre des principaux thèmes de la campagne municipale dans la salle Redpath de l’université.
C’est McGill qui a eu l’idée de contacter Radio-Canada pour organiser ce débat, comme l’a confirmé au Délit la Principale Suzanne Fortier, présente à l’événement. La position centrale de l’université McGill et l’opportunité pour les étudiants de participer au débat étaient des atouts.
Les questions pour le débat avaient été soumises par des citoyens, et pour chaque question posée, chaque candidat avait 50 secondes pour répondre. Selon Patrice Roy (du Téléjournal 18h-Grand Montréal) qui animait le débat, c’était sans doute la meilleure formule possible pour un débat à quatre voix. L’idée était que les candidats répondent directement aux préoccupations des citoyens.
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TRANSPORTS EN COMMUN
Richard Bergeron a déclaré qu’il avait pour objectif qu’en 2017 (pour le 375e anniversaire de Montréal), on ait « haussé d’un niveau tout le transport collectif de la région métropolitaine ». Il propose la construction d’un tramway, qui pour lui est réaliste : « on a un plan d’affaire très solide, et […] 1 milliard [de dollars], sachant que le tramway va durer 50–60 ans, ce n’est pas un très gros investissement à long terme ».
« Notre grand plan, c’est le Service Rapide par Bus (SRB)» a dit Mélanie Joly. La candidate veut le développement d’un réseau de 130km pour mieux connecter l’est et l’ouest de Montréal au centre-ville et diminuer les problèmes de congestion. « C’est huit fois moins cher que le tramway de Monsieur Bergeron », et plus rapide à mettre en place.
Marcel Côté préfère plutôt utiliser les infrastructures déjà en place et les améliorer. Il propose donc d’augmenter la fiabilité du métro ainsi que le nombre de voies réservées pour les autobus : « c’est rapide et fiable, ça ne coûte pas cher – contrairement aux SRB qui sont en fait plus longs à réaliser ».
Pour Denis Coderre, la solution pour régler la congestion, c’est d’avoir un bon leadership, de parler à la Rive-Nord et à la Rive-Sud pour trouver des solutions ensemble. La planification devra s’effectuer non pas au niveau de l’AMT (Agence Métropolitaine de Transport) mais au niveau de la CMM (Communauté Métropolitaine de Montréal). « On ne peut pas vivre en vase clos », dit-il.
« Je ne serai pas la ‘mairesse des banlieues’ comme Monsieur Coderre ». ‑Mélanie Joly
POLITIQUES SOCIALES
Tous les candidats ont dit vouloir mettre fin à l’exode des familles vers la banlieue : c’est un des grands thèmes de la campagne. Pour Denis Coderre, il faut bonifier l’accès à la propriété, à la fois « pour les nouvelles bâtisses et pour les propriétés existantes ». Il faut penser « environnement et qualité de vie » et créer des quartiers avec des espaces verts, des services de proximité, des transports en commun et des écoles.
Mélanie Joly prévoit un programme « accès familles » pour faciliter l’accès à la propriété. Elle a insisté sur le fait que son projet de Service Rapide par Bus (SRB) permettrait justement de mieux connecter des endroits à Montréal qui n’ont pas encore été développés, où on créerait des quartiers familiaux. Les familles bénéficieraient alors du SRB pour pouvoir mieux voyager.
« La planification est un puissant outil », a dit Richard Bergeron, qui souhaite aussi la création de nouveaux quartiers pour les familles.
« Montréal ne doit pas être une ville de condos », a martelé Marcel Côté. Mais pour le candidat, la ville est déjà en train de s’améliorer à ce sujet.
À propos du logement social, il y a un certain consensus autour de la « règle du 15–15 » notamment, c’est-à-dire la politique d’inclusion de logements abordables et sociaux (15% pour chacun) applicable dans tous les arrondissements et obligatoire.
Tous les candidats se sont également dits concernés par le problème de l’itinérance à Montréal. Pour Mélanie Joly, il faut s’inspirer du modèle torontois, et donc offrir du logement permanent aux sans-abri, avec des fonds fédéraux pour aider Montréal dans cette voie.
« La ville de Montréal n’est pas pauvre – il y a beaucoup d’argent : c’est l’utilisation qui en est faite qui est mauvaise ». – Richard Bergeron
CHARTE DES VALEURS
Au sujet du projet de Charte des Valeurs du gouvernement péquiste, il y a consensus parmi les candidats : tous s’y opposent. « La charte telle qu’elle a été proposée, ce n’est pas bon pour l’image de Montréal alors qu’on veut être une ville internationale », a dit Marcel Côté.
Denis Coderre et Mélanie Joly ont tous les deux déclaré qu’ils iraient devant les tribunaux si la loi passait.
« J’attire l’attention du gouvernement du Québec sur la scission qui est en train de se produire entre Montréal et le reste du Québec : c’est une boîte de pandore bien mal venue et c’est dangereux », a ajouté Richard Bergeron.
FRANCOPHONIE
Les candidats se sont entendus pour dire que Montréal est une métropole francophone, mais aussi multiculturelle, ce qui est une grande richesse. « Il faut travailler davantage au niveau de l’intégration, respecter le fait qu’on est une métropole internationale », a dit Denis Coderre. Pour Richard Bergeron, il faut conserver le fait français, mais « Montréal est la ville la plus bilingue au monde ; la nouvelle génération est bilingue même trilingue […]: c’est une richesse ».
« On ne s’improvise pas maire ». – Denis Coderre
ÉTHIQUE ET GOUVERNANCE
Dans le contexte actuel de corruption à Montréal, ce thème est au cœur de la campagne.
Les candidats ont tous clamé l’importance de changer la culture des élus en place.
Une des mesures-phares proposées par Denis Coderre, c’est la création d’un poste d’inspecteur général – une personne qui serait « totalement indépendante, avec un pouvoir d’enquête ». Un projet critiqué par Marcel Côté : « un inspecteur général, c’est bureaucratique, et ça ralentit même le processus ». À Montréal, il existe déjà un contrôleur et un vérificateur général.
« J’ai créé une coalition qui représente l’ensemble des Montréalais – depuis 12 ans on est gouvernés que par une partie de Montréal ». – Marcel Côté
MONTRÉAL INTERNATIONALE
Montréal doit devenir une ville étudiante, qui soit très accueillante pour cette population – et pour les cycles supérieurs également – selon Marcel Côté.
« C’est là que Montréal doit s’assumer comme métropole, à caractère international », a dit Denis Coderre, qui souhaite plus d’investissement dans la recherche et le développement.
Mélanie Joly juge primordial de faire en sorte que les étudiants qui sont à Montréal y restent après leurs études – surtout les étudiants de McGill et Concordia, qui souvent repartent, a‑t-elle dit.
Pour Richard Bergeron, il faut renforcer la collaboration entre les universités de la « 2e ville universitaire d’Amérique du Nord », car celles-ci travaillent trop souvent isolément.
« Je veux qu’on le dise partout sur la planète : ‘Montréal est une belle ville’. » ‑Richard Bergeron
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Le débat du 9 octobre a été l’occasion pour Mélanie Joly, qui à l’origine ne devait pas être invitée, de faire sa place dans la course à la mairie. « Merci de m’avoir invitée – [cela montre] que tout le monde peut devenir maire » a‑t-elle déclaré en conférence de presse après l’émission.
Mélanie Joly n’en finit pas d’étonner. Celle qui, lors de son entrée dans la campagne il y a de cela quatre mois, n’était connue de personne, reçoit maintenant l’appui de près d’un montréalais sur quatre, se hissant en seconde place (selon un récent sondage Radio-Canada), quelques points au-dessus de Projet Montréal.
Pour expliquer sa popularité croissante, certains analystes évoquent son jeune âge : son parti attire davantage la nouvelle génération d’électeurs. On parle aussi du fait qu’elle est une femme – la seule parmi les principaux candidats. Mais c’est aussi sa très bonne utilisation des réseaux sociaux et autres plateformes de discussion qui l’avantagent : c’est d’ailleurs sur cette dernière option que la plupart s’entendent. En effet, avec une présence quasi continue sur les réseaux sociaux et une grande vitesse de réponse aux commentaires et questions, Mélanie Joly a réussi à se faire connaître très rapidement.
Marcel Côté a vu sa campagne faire un large bond en arrière le 10 octobre dernier lorsqu’a été révélée l’utilisation d’appels robotisés afin de miner la campagne de ses opposants.
En effet, plus de 950 appels ont été passés avec pour principale question : « Qui pensez-vous appuyer à l’élection du 3 novembre ? » Si la réponse était Richard Bergeron, l’appel enchaînait sur la seconde question : « Saviez-vous que les élus de Projet Montréal font l’objet d’une controverse pour le financement d’un organisme ? Appuyez-vous cette façon de faire ? » Si c’était Denis Coderre, on faisait supposément allusion au passé corrompu de certains membres de son équipe.
Juridiquement parlant, il ne s’agit pas là d’une action illégale. Effectivement, il est permis de sonder les électeurs et Denis Coderre n’a pas caché d’avoir eu lui aussi recours à cette méthode. La différence avec l’utilisation faite par Marcel Côté est que celui-ci n’a pas mentionné dans ses appels qui en était le commanditaire. Erreur ou fraude intentionnelle ? Il est difficile d’en avoir le cœur net. Mais la campagne de Marcel Coté a frappé un mur.
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Participation
Si aux élections provinciales et fédérales, le bas taux de participation est décrié qu’en est-il du municipal ? Avec une moyenne provinciale de participation de 50%, et une moyenne encore plus basse à Montréal, que faut-il pour encourager les citoyens, jeunes et moins jeunes, à aller voter ? C’est la question que se posent plusieurs organismes-jeunesse, mais aussi notamment les partis politiques. Chacun voudrait être celui qui réveillera les jeunes et rassemblera leurs votes le 3 novembre prochain. Tout comme sur les autres paliers gouvernementaux, ce sont souvent les jeunes qui font défaut les jours de scrutin.
« Aux élections de 2009, le taux de participation était de 39%»
C’est dans l’optique de rejoindre les jeunes et de présenter les tactiques mises en place que des membres de partis politiques et des associations diverses se sont rassemblés le dimanche 20 octobre dernier, au lancement du Jeune conseil de Montréal, simulation du conseil municipal.