C’est au Théâtre Denis-Pelletier que le Nouveau Théâtre Urbain présente La Bête. Cette pièce de David Hirson ne date que de 1991 mais nous transporte quelques siècles en arrière, au temps de Molière. Nous sommes donc en 1654, et la troupe d’Elomire va mal. Depuis quelques temps, celui-ci n’écrit que des pièces trop sérieuses et ennuyeuses. Le prince de Conti, grand défenseur des arts, tente d’égayer le tout en introduisant dans la troupe, malgré les sentiments d’Elomire, un artiste de rue. Un homme, à première vue dépourvu de toute raison, insupportable et grotesque, un certain Valère.
S’en suit une tragédie en vers pour nous faire rire, voilà le propos de ce délire théâtral.
Le premier acte est simplement époustouflant. Valère entre en scène avec les allures d’un Jacques Sparrow en postillonnant et en crachant ce qui aux yeux du public dégouté apparaît comme des litres de salives. Il court à droite et à gauche en racontant des absurdités monstres dissimulées dans une tirade qui n’en finit pas. Un quasi monologue qui pousse le public à être aussi frustré qu’Elomire, lequel ne peut pas se débarrasser de l’énergumène à cause des ordres du prince. Valère est en plein délire, il crie, court, pisse au fond de la scène, renverse son verre plein puis se ressert, transperce un fauteuil et arrache les pages du cahier d’Elomire avant d’enfoncer son mouchoir dans sa bouche pour enfin se taire. Pensez à la personne qui provoque chez vous un agacement des plus irritant et vous comprendrez ce qu’il faut endurer pendant plus d’une heure.
Le deuxième acte arrive à changer la mise. Valère, accablé par les insistances du seigneur, doit lui jouer sa dernière pièce en collaboration avec la troupe d’Elomire qui se montre bien réticente. Au malheur d’Elomire, la pièce gagne le cœur de sa troupe qui retourne sa chemise pour se ranger dans le camp de Valère.
L’inévitable dispute éclate. Pouvons-nous briser les règles de bienséance ? Que diront les critiques ? Et puis avons-nous tort de les écouter ? Devons-nous satisfaire notre esprit intellectuel ou les attentes du public ? Une dispute qui s’apparente à celle des anciens et des modernes. Valère est en effet un homme brillant, qui a le malheur de ne pas savoir tenir son excentricité en société. Devrions-nous tous reconnaître que le mot « mot » est en effet plat et qu’on devrait le remplacer par « verbobo » ? Et puis le verbobo « chaise », ce n’est pas joli non plus, comme sonorité. Valère a raison, nous devrions tous nous asseoir sur des « francesca ». C’est une pièce qui témoigne des vrais problèmes de communication que nous pouvons avoir. Un problème qui s’étend même jusqu’au personnage de Dorine, cette adolescente qui ne prononce qu’une seule syllabe dans l’espoir de se faire comprendre et qui hurle à se briser les cordes vocales lorsque son interlocuteur interprète correctement ses propos.
Enfin, malgré les thèmes sérieux qui donnent un certain sens à la pièce, celle-ci vous fera rire à en pleurer. Un spectacle à ne pas manquer.