McGill dit être un campus durable. Le « lower campus » est une zone piétonne, c’est pourquoi McGill demande aux cyclistes de descendre de leur vélo quand ils y entrent. D’ailleurs, sur la rue McTavish, les contrevenants à cette règle peuvent même recevoir une amende, puisque c’est la Ville de Montréal qui a mis en vigueur cette règlementation.
Toutefois, malgré cette interdiction, les étudiants continuent de rouler à vélo sur le campus, ce à quoi l’administration a répondu cette année par l’installation de barrières pour cyclistes à l’entrée Milton du campus. Suite à des actes de vandalisme, et à l’inefficacité apparente de telles barrières, l’administration de McGill a finalement décidé de les enlever, il y a quelques semaines. Suite à cela, un groupe de travail a été créé pour se pencher sur le cyclisme dans l’espace mcgillois. Ces développements récents mettent de l’avant la question de la place des cyclistes à McGill.
Quels problèmes ?
Pourquoi restreindre le droit de rouler à vélo sur le campus ? La plus grande problématique par rapport à la question des vélos est le partage de l’espace entre cyclistes et piétons sur le campus, et la sécurité de ces deux populations. C’est ce que dit Kevin Manaugh, assistant professeur dans la Faculté d’environnement et au département de géographie et participant au nouveau groupe de travail sur le cyclisme à McGill. De plus, il constate que les nouvelles politiques de McGill, comme les barrières des portes Milton, ont plutôt suscité la controverse que solutionné les problèmes de sécurité reliés au vélo sur le campus. Le McGill Reporter écrivait en août que quatre incidents entre piétons et cyclistes avaient été notés au cours des dernières années.
Martin Krayer Von Krauss, chef du bureau de développement durable à McGill (MOoS) présidera le groupe de travail sur le cyclisme, créé le mois dernier, qui sera composé de treize membres, dont cinq étudiants. Le Délit lui a demandé pourquoi, selon lui, la question du cyclisme est aussi présente à McGill en comparaison à d’autres universités montréalaises. Il explique que McGill possède un terrain très vaste, où il y a une grande circulation à gérer.
« Les autres universités n’ont pas à se poser la question de la circulation sur leur campus vu que c’est la Ville de Montréal qui leur dicte ce qui est approprié, parce que c’est le terrain de la ville », dit-il.
Permettre ou interdire le cyclisme sur le campus ?
Kevin Manaugh explique que le nouveau groupe de travail sur le cyclisme de McGill tentera de « comprendre la place des cyclistes sur le campus ». Le groupe réfléchira à comment assurer un meilleur environnement cyclistes/piétons sur le campus. Selon lui, il croit qu’il n’y a que des bénéfices à rendre le campus plus « biking-friendly ».
Kevin Manaugh croit que la construction d’une voie cyclable sur le campus pourrait être une bonne solution pour permettre aux cyclistes de circuler sur le campus.
Malgré le fait qu’il soit intéressé à explorer la possibilité d’une piste cyclable, Martin Krayer Von Krauss souligne les coûts importants qu’engendrerait la création d’une piste cyclable. De plus, il y aurait selon lui des endroits qui seraient problématiques. Il cite l’intersection Milton/University qui représenterait une zone à risque, en raison de la présence d’un angle mort et d’une forte circulation piétonnière et cycliste. « C’est inévitable qu’il y ait un croisement. Est-ce qu’une piste cyclable peut se faire de manière sécuritaire ? » Il parle d’une passerelle piétonnière en hauteur comme étant une option, mais souligne encore une fois l’improbabilité due aux coûts qui seraient sans doute considérables.
« Les autres universités n’ont pas à se poser la question de la circulation sur leur campus vu que c’est la Ville de Montréal qui leur dicte ce qui est approprié, parce que c’est le terrain de la ville»- Martin Krayer Von Krauss
Selon Martin Krayer Von Krauss, ouvrir la circulation aux vélos sur le campus serait une possibilité, mais il reconnaît que ce scénario n’est pas sans complication. D’une part, il explique que cela risque d’augmenter le nombre de cyclistes comparativement à celui qu’on connaît actuellement. « Parce que, là, on ouvre la porte à des gens qui autrement n’ont rien à faire sur le campus, ils vont le traverser comme raccourci ». Il explique que « ce n’est pas mauvais en soi ; plus de gens vont venir nous visiter, le sentiment d’appartenance à McGill à Montréal va augmenter, mais, en augmentant le trafic, on augmente aussi les risques pour les piétons ». Il rappelle également que de tels aménagements engendreraient des coûts importants, ce qu’il n’est pas sûr que McGill puisse assumer.
Gabriel Damant Sirois, chercheur au groupe de recherche interdisciplinaire en transport de McGill (Transportation Resarch At McGill, TRAM) et étudiant en deuxième année à la maîtrise en urbanisme à McGill, croit qu’il faut plutôt abolir la configuration de « rue » à McGill. Gabriel explique le concept de « complete street » selon lequel « la rue ne définit pas ce qui est supposé être où », mais la rue devient un lieu où chacun s’approprie l’espace et circule comme il le veut. Le modèle de rue à McGill « ne donne pas l’impression d’être en espace rapproché avec les autres et on fait moins attention, donc ça peut conduire à des accidents ». Il donne aussi comme solution le tracé d’une bande cyclable, mais ne croit pas que cela soit la meilleure option. Au contraire, la tendance urbanistique veut plutôt qu’il n’y ait plus de séparation des espaces dans les rues. Il donne l’exemple d’un village en Allemagne qui a décidé de retirer toutes les signalisations routières de ses rues, et où le nombre d’incidents a diminué considérablement. « Si un village est capable de faire ça, je pense que McGill pourrait essayer de faire quelque chose de semblable », dit Gabriel. Il faut faire un aménagement où les gens adopteraient des comportements plus responsables, « plutôt que de séparer la circulation ».
Encourager les vélos pour un campus durable
Le fait que McGill ait une approche plutôt restrictive par rapport aux vélos sur le campus semble aller contre sa mission d’être un campus durable. L’attitude de McGill semble décourager les étudiants à l’idée d’utiliser leur bicyclette. C’est ce qu’un groupe d’étudiants en étude urbaine de l’Université McGill a constaté dans le cadre d’un projet concernant les « barrières », autant psychologiques que physiques, qui restreignent les gens à faire du vélo sur le campus. En effet, pour les cyclistes potentiels, l’inconfort face aux règles de McGill et la relation entre les cyclistes et les piétons sont des problématiques qui les freinent à faire du vélo sur le campus. Pour les cyclistes réguliers, il y a une problématique quant à l’atmosphère et à la règlementation de McGill. Les cyclistes ne se sentent pas nécessairement les bienvenus sur le campus.
Le groupe croit que la promotion du cyclisme doit être faite sur le campus, et ce, dès l’arrivée des nouveaux étudiants à McGill, en organisant par exemple des sessions d’information dans les résidences universitaires et lors du Frosh. Une meilleure ambiance doit aussi être créée entre cyclistes et piétons, et les services (sécurité, réparation/infrastructure et stationnements pour vélo) doivent être améliorés.
« Il faut un aménagement où les gens adopteraient des comportements plus responsables, plutôt que de séparer la circulation ». – Gabriel Damant Sirois
Plus de collaboration ?
Kevin Manaugh aimerait que « l’école de planification urbaine soit plus impliquée par rapport à ce qui se fait quant à l’espace sur le campus ». Il dit que McGill gagnerait beaucoup à travailler avec les étudiants sur cet enjeu, qui eux aussi y trouveraient leur compte. Une meilleure communication entre les différentes instances impliquées dans la planification de McGill est souhaitable, selon Manaugh.
Emory Shaw, étudiant en études urbaines faisant partie du groupe qui a travaillé sur les « barrières » sur le cyclisme à McGill, croit qu’il doit y avoir une plus grande collaboration entre les divers acteurs de McGill. « Nous sommes des étudiants qui avons des connaissances intéressantes sur comment planifier l’espace ». Il dit que l’école d’urbanisme de McGill est reconnue au Canada, et que beaucoup de talents d’étudiants pourraient davantage être exploités