Alors que Pauline Marois, élue en 2012, est la première femme à occuper la fonction de Première ministre au Québec, et que Suzanne Fortier a succédé à Heather Monroe-Blum au poste de principale de McGill, l’égalité des sexes est malgré tout loin d’être acquise au sein de notre université, et à l’échelle de la province du Québec dans son ensemble.
On aurait tendance à supposer qu’à l’Université McGill, haute institution d’apprentissage et de savoir, l’égalité entre les hommes et les femmes est un combat gagné depuis longtemps. Or, certains événements récents prouvent le contraire. La professeure de sociologie Elaine Weiner, par exemple, est scandalisée que, dans le dernier rapport de McGill sur la centralisation des emplois du temps des professeurs, le dernier paragraphe mentionne le fait que les demandes de garde d’enfant à McGill seront accommodées uniquement si possible, et qu’une seule fois par jour.
En effet, dans le document « McGill University Class Scheduling Parameters » (Paramètres d’horaires de cours à l’Université McGill, ndlr), quand il est question de l’emploi du temps des professeurs il est écrit : « les demandes liées à la garde d’enfants seront accommodées, dans la mesure du possible, mais ne seront pas approuvées pour un instructeur s’il s’agit du début ou de la fin de la journée (traduction du Délit).
Une telle déclaration est problématique. Pour une professeure comme Elaine Weiner, qui est mère célibataire, ou pour un professeur dans un couple où les deux conjoints n’ont pas un emploi du temps flexible, faire garder ses enfants avant d’aller travailler peut s’avérer difficile, voire impossible.
L’injustice de cette politique touche particulièrement les femmes, principales concernées car historiquement considérées comme devant rester au foyer à s’occuper des enfants. D’après Elaine Weiner, une telle réglementation est « un retour au Moyen Âge », et elle questionne fortement la personne qui est à l’origine de cette idée. Alors que cette déclaration a fait du bruit au sein de plusieurs départements, aucun changement n’y a encore été apporté par l’administration de l’université.
Aucun rapport sur l’égalité des sexes n’a été rédigé, et McGill ne possède aucune donnée sur cette question d’égalité.
Promouvoir la place des femmes à McGill
De nombreuses initiatives sont mises en place par des étudiants au sein du campus afin de mettre en avant la place des femmes. Céline Caira, ex-présidente de l’association des étudiants de McGill pour le Comité National ONU Femmes au Canada est à l’origine de l’initiative de la création d’un rapport sur l’égalité des sexes auprès des étudiants de McGill. En effet, après une publication de l’ONU Femmes qui établissait un état des lieux de la responsabilisation des femmes dans les systèmes judiciaires des pays en voie de développement, Céline Caira a voulu questionner ce qu’il en était au niveau de son université. Après quelques recherches, elle s’est vite rendu compte que, non seulement aucun rapport du genre n’avait été rédigé, mais aussi que McGill ne possédait aucune donnée sur cette question d’égalité.
Ainsi, son projet est de publier un document concernant le statut de l’égalité des sexes au sein des structures de gouvernance étudiantes.
Cette question est prioritaire, sachant qu’en 2012, par exemple, parmi les sept candidats au poste de Président du comité exécutif de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) était une femme. Surprenant, sachant que 70% des élèves de la Faculté des arts sont des femmes. Céline Caira dit qu’«il est important de se demander pourquoi peu sont dans des positions d’autorité au sein des structures de gouvernances étudiantes, ou pas représentées à part égale dans ces structures là ».
Pour faire face à de telles inégalités, différentes mesures sont prises sur le campus. La plus récente initiative : la création d’une nouvelle revue féministe, F word. Cette revue a pour but de changer les esprits quant à la stigmatisation dont peut souffrir le mouvement féministe, en rendant différentes publications accessibles à des individus n’ayant pas d’intérêts particuliers pour le féminisme. Sarah Claydon, co-fondatrice de la revue, explique au Délit : « on espère favoriser cette notion d’accessibilité en faisant circuler une version papier de la revue, tout en assurant une présence dynamique sur Internet, et en variant le contenu ». En effet, la revue sera composée d’articles aux thèmes variés, pas uniquement des sujets réservés aux femmes, et qui auront pour but de communiquer une perspective féministe multidimensionnelle, que ce soit politique, culturelle, économique ou sociale.
« Il est important de se demander pourquoi peu sont dans des positions d’autorité au sein des structures de gouvernances étudiantes, ou pas représentées à part égale dans ces structures là ». – Céline Caira
Des initiatives au niveau de la province
Au niveau du Québec, de nombreuses actions sont réalisées afin d’accroître la place des femmes au sein de la société. Du 14 au 17 novembre 2013 était par exemple organisé le Forum des États généraux de l’action et de l’analyse féministes. Le forum a réuni plus de 1000 femmes, rassemblées à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) afin de jeter les bases d’un projet féministe de société voué à favoriser l’égalité, la justice, la liberté, la solidarité et la paix. Isabelle Picard, co-porte-parole des États généraux, témoigne au Délit : « Il s’agit d’un cheminement collectif afin de débattre ensemble de façon saine et respectueuse de l’ensemble des thématiques dans le cahier de propositions, qui regroupe plusieurs enjeux féministes, et d’inviter les femmes à travers des ateliers à prendre la parole et déterminer les orientations du mouvement féministe pour les vingt prochaines années ».
Alexia Conradi, présidente de la fédération des femmes du Québec et également co-porte-parole des États généraux fait part au Délit de l’ensemble de sujets abordés : la question du contrôle du corps de la femme face à une objectivation et une marchandisation accrue, la promotion d’une image unique de la beauté, l’idée de faire un virage environnementaliste, la question du contrôle religieux, l’accès au travail, ou encore la remise en question de l’avortement au Canada. D’une façon plus générale, le but de ce forum était d’assurer que l’égalité et la justice soient l’affaire des femmes au Québec, car « le mythe de ‘‘l’égalité-déjà-[acquise]’’ en est un coriace », explique Conradi.