La première diffusion au Canada du documentaire Who is Dayani Cristal ?, de Gael García Bernal, acteur, cinéaste et militant mexicain (reconnu pour ses rôles dans Diarios de un motocicleta ou Amores perros) et Marc Silver, cinéaste américain, a eu lieu le 23 novembre dans le cadre des Rencontres Internationales du Documentaire à Montréal (RIDM). Gael García Bernal était présent pour répondre aux questions après la séance.
L’histoire commence sous le soleil du désert d’Arizona, quand un homme est retrouvé mort sous un arbre par une équipe de douaniers. Cet homme c’est Dilcy Yohan. Comme à la plupart des migrants illégaux, il lui avait sûrement été recommandé de ne transporter aucune pièce d’identité sur lui. La seule marque distinctive que porte cet homme ce sont les mots « Dayani Cristal » tatoués sur son torse. Sur plus de 2000 corps retrouvés à la frontière du Mexique et des États-Unis depuis le début du siècle, près de 700 n’ont pas encore été identifiés.
En suivant l’investigation du cas Dayani Cristal, Gael García Bernal et Marc Silver tentent de retracer le périple de cet homme, commencé au Honduras au mois de juin 2008. Plus encore, Who is Dayani Crital ? critique surtout la bataille des États-Unis contre l’immigration, bataille qui a déjà fait des milliers de morts. Néanmoins, ce film demeure un documentaire unique ayant pour mission de raconter une histoire vraie en partant d’un mystère : l’identité et l’histoire de Dilcy Yohan, l’homme au tatouage dont il est question.
Pour ce film, Silver et García Bernal innovent et décident de combiner fiction et documentaire. C’est ainsi que se chevauchent les images du périple improvisé de Gael García Bernal ‑qui suit Dilcy Yohan, du cœur du Honduras jusqu’à son lieu de mort- et celles des entrevues avec les équipes d’enquêteurs des deux côtés de la frontière.
Une touche de fiction, avec un personnage auquel le spectateur pourrait s’attacher, était nécessaire pour traiter de ce sujet ; il fallait éviter le documentaire exclusivement politique. Ce jeu de théâtre et d’improvisation auquel Gael se prête avec beaucoup de talent a aussi permis aux réalisateurs de franchir la barrière qui sépare souvent le journaliste du sujet.
Une attaque contre les Américains ? Non. Un appel à la coopération ? Oui. Les réalisateurs proposent de rendre plus humaine la question de la migration, qui demeure un tabou politique. À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, la construction du fameux mur n’a pas arrêté le flot des migrants. Le nombre d’immigrants illégaux aux États-Unis a, au contraire, augmenté de 27% entre 2000 et 2009. Cependant, le nombre de migrants morts avant d’atteindre leur destination a aussi augmenté : passer le mur est plus facile que de passer la douane à d’autres points de passage, mais la traversée du désert qui s’ensuit s’avère être mortelle pour beaucoup. Selon Gael García bernal, il reste une solution à trouver.
À la question « pourquoi ce film ? », Gael García Bernal répond : « aujourd’hui, le système économique dans lequel nous vivons pousse à la migration ». Des millions de personnes sont forcées de quitter leurs pays à cause de la mondialisation de l’économie qui les laisse sans métier ou sans terre. Néanmoins, alors que cette dernière a permis le libre mouvement des biens et des services, l’immigration, soit le libre mouvement des personnes, continue à être vue comme un crime pour beaucoup alors qu’elle est en réalité essentielle au bon fonctionnement de ce système économique.
Au final Gael García Bernal et Marc Silver critiquent la criminalisation des migrants. Ceux-ci partent de chez eux en tant que héros, arrivent à destination en tant que criminels, et ceux qui, comme Dilcy Yohan, n’atteignent pas leur but, reviennent chez eux, dans une boîte en carton.