Étudiants et employés de la Faculté des Arts étaient conviés le mercredi 22 janvier à une soirée d’information de type « Town Hall » dans le but de répondre aux inquiétudes de la communauté concernant le projet People, Processes and Partnerships (PPP), soit la restructuration administrative des départements de la Faculté. Le doyen, Christopher Manfredi, et les vices-doyennes, Gillian Lane-Mercier et Lucyna Lach, se sont présentés devant les membres de la communauté universitaire à l’invitation de l’Association étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) et ont engagé un dialogue avec la trentaine de personnes présentes pour l’occasion.
Bien que le projet de restructuration des départements de la Faculté des Arts soit dans l’air depuis novembre 2012, la distraction provoquée par le printemps étudiant ainsi qu’une sérieuse mobilisation des employés et des étudiants ont contribué à retarder le projet et à en altérer considérablement le contenu.
Rappelons qu’en vertu des coupures budgétaires qui ont affecté l’Université au cours des derniers mois, l’administration s’est vue contrainte de ne réengager qu’un employé pour deux départs à la retraite. En conséquence, l’administration de la Faculté des Arts doit composer avec un effectif réduit. Ces départs à la retraite ont aussi causé des pénuries de personnel dont l’ampleur varie d’un département à l’autre, ce qui a pour effet d’augmenter indûment la charge de travail des employés de certains départements.
Pour illustrer cette problématique, Christopher Manfredi a affirmé aux personnes présentes à la rencontre que depuis les derniers départs à la retraite, le ratio employé/étudiant est maintenant à un employé pour 250 étudiants au département d’économie, tandis que, à titre d’exemple, celui du département d’études juives est actuellement d’un employé pour 58 étudiants. Selon le doyen, c’est entre autres pour pallier à cette situation inéquitable que l’administration a entrepris cette restructuration départementale.
Perte d’expertise
Or, la mise en place de cette restructuration nécessite de certains employés qu’ils travaillent au sein de différents départements à la fois. Lors de la consultation, une employée du département de philosophie a tenu à exprimer ses inquiétudes face à cette situation, insistant sur le fait que les employés de chaque département de la Faculté des Arts ont acquis, au fil du temps, une expertise spécialisée par rapport à leur département, à sa culture institutionnelle et aux besoins particuliers de ses étudiants. Le doyen Manfredi a répondu à cette intervenante que les employés seront parfaitement en mesure de se transmettre cette expertise spécialisée entre eux.
En novembre 2013, le Conseil de l’AÉFA s’était prononcé contre une motion visant à dénoncer le projet de PPP. Par la suite, il avait été décidé que l’AÉFA allait s’en tenir à informer ses membres des développements de la restructuration administrative. Son Président Justin Fletcher a d’ailleurs confirmé au Délit que la consultation de la semaine dernière s’inscrivait dans le cadre de cet engagement.
Pour sa part, le secrétaire général de l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AECSUM), Jonathan Mooney, affirmait récemment au McGill Daily que les activités de consultations du public concernant le projet « PPP », telles que celle qui s’est tenue la semaine dernière, reflètent une attitude plus réactive que proactive de la part de l’administration, une accusation dont le doyen se défend bien. En entrevue avec Le Délit, Manfredi a réitéré son intention d’accorder une importance particulière à l’avis des membres de la communauté : « j’apprécie toujours l’opportunité d’échanger de manière constructive avec la communauté pour expliquer les actions que nous entreprenons pour répondre à des défis auxquels nous faisons face collectivement. »
Par ailleurs, le doyen a reconnu que c’est une activité de consultation du public du même type tenue en mars 2013 qui avait convaincu l’administration d’abandonner le projet initial de restructuration. Celui-ci prévoyait le déménagement de nombreux départements dans l’édifice Leacock.
Depuis les tous premiers balbutiements du projet de restructuration en novembre 2012, celui-ci a suscité un profond mécontentement chez de nombreux étudiants et employés de la Faculté. La création du groupe Save Our Staff McGill (SOS McGill) par des étudiants qui se disent « contre la centralisation du personnel de soutien académique » a aussi favorisé une mobilisation soutenue de la communauté universitaire contre le projet PPP.
En filigrane de cette opposition se cache d’abord la crainte de perdre le sentiment de proximité qu’ont les étudiants lorsqu’ils se présentent dans leur département. Lors de la rencontre de la semaine dernière, un intervenant mentionnait ainsi qu’une personne de son entourage lui avait confié avoir apprécié son expérience à McGill en raison de ce service personnalisé, alors que cette même personne avait souffert de l’absence de cette proximité durant son passage dans une autre université canadienne.
Au-delà de cette inquiétude, il convient de mentionner que la mobilisation s’articule également autour d’un inconfort général par rapport à la mesure néolibérale d’austérité qui sous-tend la reconfiguration administrative de la Faculté des Arts, comme en fait foi la lettre publiée dans le McGill Daily par SOS McGill intitulée Get informed, take action ! (Informez-vous, agissez!, ndlr). Celle-ci rappelle que la première victime de l’austérité en milieu universitaire est l’éducation elle-même. Dans un commentaire publié dans le même journal en réponse à cette lettre, le doyen de la Faculté des Arts, Christopher Manfredi, s’est pour sa part montré étonné par cette mobilisation : « les employés de la Faculté des Arts ont le talent et la capacité de relever ce défi. Je suis surpris que qui que ce soit voit les choses différemment ».