Jeudi dernier, le collectif périodique de vents Notturna jouait des œuvres de Rossini, de Danzi et de Reicha à la salle Redpath de McGill. Nombreux étaient venus pour l’occasion, et c’est avec plaisir qu’on a pu voir, parmi le flot de têtes blanches, quelques visages jeunes admirant la pompe de la salle. Un très bel orgue de style français classique y a été installé en 1981 –et depuis, l’orgue fait l’orgueil de cette salle.
On connaît Gioacchino Rossini pour ses opéras, dont le plus fameux est sans doute Le Barbier de Séville, mais ce compositeur prolifique a mis son talent au service de plusieurs genres. De ses contributions au répertoire de musique de chambre, on retient l’Andante, e Tema con Variazoni (flûte, clarinette, basson et cor naturel), que nous a livré jeudi l’ensemble Notturna. Cette pièce, pleine d’humour et d’un style léger propre à Rossini, consiste en un thème, que chaque instrument reprend et développe à sa manière. On félicite Simon Aldrich à la clarinette qui, malgré son extinction de voix, est parvenu à rendre la gaieté du morceau.
Les instruments utilisés par les musiciens du Notturna, comme nous l’a spécifié Aldrich au cours d’une brève présentation, ont été fabriqués à l’ancienne à partir du buis (le bois). La raison en est que ce matériau produit un son plus intime, plus doux, que celui usité de nos jours, l’ébène, qui convient mieux à l’instrumentiste d’orchestre. En écoutant le quintette à vents op. 56 no 1 en si bémol majeur de Franz Danzi, au caractère plus classique que l’Andante de Rossini, on comprend l’importance que revêt un tel choix d’instruments. L’auditeur s’est vite senti plongé dans une autre époque, celle de la fin du siècle des Lumières. Dans cette pièce raffinée, les instruments conversent gaiement et se lancent tour à tour de petites pointes. Quel dommage que le hautboïste ait été enrhumé –le pauvre luttait bruyamment, entre chacune de ses phrases, contre l’inexorable écoulement de son nez ! Mais on ne saurait lui en tenir trop rigueur, tant son jeu, malgré tout, était senti et agile. Franz Danzi (1763–1826) est un musicien allemand d’ascendance italienne. Son apport au répertoire de musique de chambre est considérable, particulièrement en ce qui a trait aux pièces pour ensembles à vents. Il a en outre été le professeur du célèbre compositeur Carl Maria von Weber.
La troisième et dernière pièce jouée lors de cette soirée était le quintette à vents op. 91 no 2 en la mineur d’Antoine Reicha, compositeur tchèque, contemporain et ami de Beethoven. Un style plus romantique caractérise cette pièce, ainsi que les quelques fugues qui la traversent, dont Reicha était particulièrement friand. Dans une écriture verticale, aux nombreux passages contrapuntiques, Reicha exploite la personnalité de chacun des instruments. Ainsi fait-il entendre les notes les plus graves du basson, les plus aiguës de la flûte, conférant à son morceau des couleurs riches et variées. On a apprécié les beaux effets du bassoniste, dont les mélodies rendaient tout le velouté et la chaleur douce dont son instrument est capable. Pour ce qui est de l’histoire, Antoine Reicha (1770–1836) se rend en 1808 au Conservatoire de Paris. Grand pédagogue, il y prodiguera son enseignement à de jeunes élèves prometteurs dont les Berlioz, Liszt et Franck.
Le groupe Musique de chambre Allegra, dont est issu Notturna, donnera son prochain concert le jeudi 27 février 2014 (avec piano, clarinette, violons, alto, violoncelle et contrebasse) à la salle Redpath à 20h. Des œuvres de Finzi, de Wagner et de Dvorák seront au programme. Il s’agit d’une soirée gratuite, idéale pour qui veut se délasser des occupations habituelles et se laisser émouvoir le temps de quelques morceaux. Mais apportez vos mouchoirs : sinon pour vous, pour les musiciens !