McGill était l’hôte, les 6 et 7 février derniers, de la conférence « Pétrocultures 2014 : le pétrole, l’énergie et l’avenir du Canada ». Le but de la conférence : « examiner la façon dont le pétrole et l’énergie façonnent notre identité nationale », indique le site Internet de l’événement.
Le congrès était organisé par l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM). L’IÉCM organise chaque année une conférence sur un thème donné. Par exemple, en 2012, l’événement de l’institut portait sur l’avenir de la justice au Canada.
Dans le contexte actuel, le choix du thème de cette année est intéressant. Le pétrole est un grand cheval de bataille de Stephen Harper. Son gouvernement ne manque jamais une occasion de rappeler que l’exploitation du pétrole et des sables bitumineux est placée en haut de l’échelle de leurs priorités. Au Québec aussi, le débat sur « le futur de nos ressources », a été relancé récemment avec la publication d’un manifeste pour l’exploitation du pétrole dans la province, signé par des personnalités comme l’ancien premier ministre Bernard Landry.
Enfin, inévitablement, on ne pourra s’empêcher de penser à la tragédie de Mégantic.
Un thème très « actuel » pour ce congrès, en somme. Plus intéressant surtout : l’intitulé de la conférence, qui allie les mots « pétrole », « culture » et « avenir» ; l’utilisation en particulier du mot valise « pétroculture » semble en dire long sur l’objet d’un tel congrès. Est-ce que la conclusion qu’on devra tirer de ces discussions, c’est que l’avenir du Canada doit être un avenir de « pétroculture » ? C’est-à-dire un avenir qui continuera d’être lié à l’utilisation du pétrole ? Doit-on en déduire que la « pétroculture », ça existe réellement ?
Qu’en est-il dans tout cela du développement durable et des alternatives énergétiques ?
Enfin plus intéressant encore : les conférenciers invités. Le congrès avait l’avantage de réunir des experts d’horizons différents ‑de l’industrie du pétrole, comme d’organisations environnementales par exemple- sur des sujets divers (pétrole et démocratie, pétrole et sécurité, pétrole technologie). Dans la salle principale du Faculty Club étaient réunies des personnes qui, autrement, ne s’adresseraient pas la parole. L’initiative doit être soulignée.
Un des invités, Steven Guilbeault d’Équiterre, a affirmé au Délit lors de la conférence qu’il était important d’ouvrir un espace de discussion aux opinions divergentes.
Mais inviter des personnes qui ne croient pas à la réalité des changements climatiques, comme Ezra Levant ?
On peut ici en effet questionner la pertinence des personnes invitées. Le chroniqueur à Sun News et activiste conservateur Ezra Levant, qui remet souvent en cause les effets de l’activité humaine sur la planète est venu la semaine dernière livrer un discours sur le pétrole, auquel il mêlait, en vrac, Arabie saoudite, charia, canards et génocide au Darfour. Analogies très douteuses, comparaisons peu honnêtes ; on retiendra surtout le vide abyssal de son exposé.
Tout ça entre deux chansons de Tim Hus (les classiques : « Alberta on my mind », « Pipeline»…)
Un tel événement n’aura pu aller sans perturbation. Ainsi au matin de la deuxième journée de conférence, des manifestants ont occupé le Faculty Club, sous la bannière #LockOutPetrocultures.
Le coût de la conférence la rendait inaccessible à bien des gens (fait dénoncé d’ailleurs par GRIP-McGill). On retiendra « l’image symbolique » de conférenciers qui prennent un verre de vin à l’intérieur tandis que des groupes écologistes protestent dehors. Mais l’événement aura tout de même pu donner de la visibilité à certains groupes, comme Divest McGill, toujours. La conférence aura permis une certaine prise de conscience. Divest McGill disait au Délit que le groupe tenait à participer aux discussions pour que leur point de vue soit entendu.
Au final le congrès a traité de thèmes très intéressants et surtout très importants. Mais c’est comme si chacun était reparti avec ses propres convictions. Personne n’aura convaincu personne. On aura mis des gens dans une pièce sans qu’ils ne se parlent vraiment. C’est un congrès qui aura fait du bruit. Tout ça pour…?