Dès 2015, les jeunes québécois pourraient avoir accès à un nouveau « service citoyen » leur étant destiné. En effet, le gouvernement péquiste a annoncé qu’il mettrait en place de nouvelles initiatives qui se veulent une réponse aux besoins actuels des jeunes. Ces initiatives sont rassemblées dans le Livre blanc sur la Politique québécoise de la jeunesse, intitulé « Une génération aux multiples aspirations ».
Ce document, dévoilé au début du mois de février par la première ministre Pauline Marois et son adjoint parlementaire (volet jeunesse) et député de Laval-des-Rapides, Léo Bureau-Blouin, expose les quatre grandes orientations du gouvernement en matière de politiques jeunesse au Québec. D’abord, la promotion de saines habitudes de vie, ensuite l’amélioration des milieux scolaires pour décourager le décrochage scolaire, puis un service citoyen pour aider les jeunes dans leur cheminement professionnel et finalement la promotion d’un meilleur équilibre travail-école-famille.
C’est la création d’un « service citoyen » qui a retenu l’attention du public au cours des dernières semaines. Cette nouvelle initiative s’adresse aux jeunes qui ne sont pas aux études et qui n’ont pas d’emploi. « On veut permettre aux jeunes qui sont en âge collégial ou universitaire de vivre une expérience d’engagement, d’implication, qui peut aller de quelques mois à une année », explique Léo Bureau-Blouin en entrevue avec Le Délit.
Comme le dit le député, ce service répond au désir des jeunes de s’impliquer dans leur communauté, au Québec comme à l’étranger. Il vise également à permettre aux jeunes de découvrir leurs centres d’intérêts afin de les amener à faire des choix éclairés dans leur futur parcours scolaire ou professionnel.
Cette idée est inspirée de ce qui s’est fait notamment en France et aux États-Unis. «[En France] ça a eu un impact extrêmement positif sur le cheminement personnel des différents participants », explique Léo Bureau-Blouin.
Réaction des jeunes
Le 4 février dernier, jour du dévoilement du Livre blanc, les organismes jeunesses semblaient être généralement satisfaits de la démarche du gouvernement. Les communiqués de presse encensant le produit final de la consultation « Destination 2030 » fusaient de toute part : la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), l’organisme Place aux jeunes en région et l’organisme Force Jeunesse, par exemple, ont tous exprimé leur enthousiasme dans la foulée du dévoilement.
Quelques jours plus tard, toutefois, des dissensions ont commencé à faire surface. Pour certains groupes jeunesse à vocation environnementale, par exemple, les auteurs du Livre blanc ont omis d’y inclure une préoccupation majeure des jeunes : le développement durable.
Jérôme Normand, directeur général de l’organisme ENvironnement JEUnesse (ENJEU), rappelle que la dernière politique jeunesse du gouvernement du Québec avait identifié le développement durable comme l’un des six « défis » à aborder dans sa stratégie jeunesse. Avec le dépôt de ce Livre blanc, Jérôme Normand s’attendait donc à des gestes concrets indiquant une volonté gouvernementale de « passer au niveau supérieur » en la matière.
« Jamais dans le Livre blanc la notion de transversalité de l’application du développement durable n’apparaît. »
En entrevue avec Le Délit, le directeur général d’ENJEU exprime sa déception quant à l’absence de vision environnementale dans la nouvelle politique jeunesse : « jamais dans le Livre blanc la notion de transversalité de l’application du développement durable n’apparaît. À un seul endroit, en quelques lignes, on parle de l’importance de l’environnement pour certains jeunes. »
Dans le cadre de la consultation « Destination 2030 », l’organisme ENJEU avait participé à l’organisation d’un café citoyen de manière à permettre à des jeunes d’«échanger et de lancer des idées pendant une journée entière sur l’importance du développement durable pour eux et dans leur milieu de vie ». Il apparaît toutefois que cet effort n’aura pas suffit à convaincre le gouvernement du Québec de l’importance de considérer la notion de développement durable de façon transversale dans chacune de ses initiatives jeunesses.
Léo Bureau-Blouin soutient que plusieurs consultations ont eu lieu dans le cadre de la préparation du Livre blanc et que le volet développement durable « n’est pas beaucoup ressorti des consultations ». Il dit toutefois que le projet n’est pas coulé dans le béton, et que les prochaines étapes viseront à tenir une commission parlementaire pour continuer de récolter les opinions des citoyens et des organisations. « Le but est de modifier le document d’origine, de voir ce qu’on peut y améliorer », commente Léo Bureau-Blouin.
Service citoyen
Tandis que des groupes comme ENvironnement JEUnesse et le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ) ont fait savoir leur mécontentement par rapport à l’absence de leurs préoccupations dans le Livre blanc, d’autres groupes, comme Katimavik, y ont toutefois trouvé leur compte.
Si l’absence de la notion de développement durable dans la nouvelle politique jeunesse a peu retenu l’attention des médias québécois, l’instauration d’un « service civique » pour les jeunes a fait couler beaucoup d’encre. En réaction à cette annonce, des anciens participants du programme jeunesse de service volontaire Katimavik ont co-signé une lettre ouverte traduisant leur enthousiasme : « si elle n’est pas nouvelle, l’idée n’en est pas moins excellente, et plus actuelle que jamais pour notre génération. Nous, les anciens de Katimavik, sommes probablement les mieux placés pour vous le dire. Car le service volontaire –civique ou citoyen–, nous l’avons vécu, ici, chez nous. Et c’est une expérience qui a changé nos vies. Du tout au tout. » Léo Bureau-Blouin confirme d’ailleurs que le nouveau service citoyen a des objectifs similaires à Katimavik.
«[…] L’idée [d’un « service civique » est] excellente, et plus actuelle que jamais pour notre génération. »
L’organisme Katimavik, qui a pour mission de « pourvoir les jeunes de moyens leur permettant de devenir des citoyens responsables qui apportent un changement positif dans leurs vies et dans leur communauté » (selon sa page Internet), a vu son financement aboli par le gouvernement fédéral il y a déjà quelques années. Pour Catherine Drouin, ancienne participante et co-signataire de la lettre ouverte, l’instauration de ce « service civique » pourrait permettre de remettre cette mission à l’ordre du jour : « le fait que le gouvernement québécois reconnaisse l’importance de l’engagement des jeunes pour une société meilleure rejoint les valeurs fondamentales et le message de Katimavik. Comme je suis une ancienne toujours impliquée avec le programme, cela me rejoint aussi », dit Catherine.
En route vers les élections ?
Si le Livre blanc sur la Politique québécoise de la jeunesse vise à promouvoir l’engagement des jeunes, Pauline Marois a également énoncé son souhait que ce projet incite plus de jeunes à aller voter.
Sachant qu’il est fort problable que des élections soient déclenchées dans la province dans les prochaines semaines, ce nouveau projet jeunesse représente-t-il une stratégie électorale ? À cela, Léo Bureau-Blouin répond que ce n’est pas le cas. Le projet est en développement depuis environ un an et « c’est une démarche de fond, une démarche authentique », dit-il. « C’est sûr que je souhaite que cette initiative démontre qu’on s’intéresse aux jeunes. […] C’est sûr que ça a comme effet d’amener davantage de gens à s’intéresser à la chose publique », conclut Léo Bureau-Blouin.