De la Chine, on sait –ou on croit savoir– la grandeur, l’histoire, les contentieux politiques et trop de stéréotypes pourtant inapplicables à ses 1,35 milliards d’habitants. La Chine est partout, tous les jours, dans les médias, dans le monde des affaires, et sûrement chez vous, sous la forme du fameux « Made In China ». Quand il s’agit d’art en revanche, les choses se troublent : quelques dragons, des empereurs aux moustaches épiques, Ai Weiwei pour le côté contemporain… Et après ? C’est ce manque que tente de combler la Place des Arts, du 15 février au 1er mars. Le 21 janvier dernier déjà, « Pleins feux sur la Chine », une exposition d’art contemporain, a été inaugurée dans la galerie de l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme. Et ces deux prochaines semaines, les événements mettant la Chine à l’honneur et s’inscrivant dans la programmation du 50e anniversaire de la Place des Arts vont s’enchaîner pour le public montréalais.
Cette exposition représentait le lancement officiel de cette focalisation sur la Chine. La consule de Chine à Montréal, Zhao Jiangping, était présente pour l’occasion et a livré quelques belles paroles à l’égard du public montréalais, en français, à la (bonne) surprise des journalistes et amateurs d’arts y assistant. Son discours avait quelque chose d’ironique, pourtant. La consule a souligné les bonnes relations entre le Canada et la Chine, et la façon avec laquelle l’art a le pouvoir de rassembler, par une force créatrice, des populations autrement lointaines. On a envie d’y croire, mais l’exposition « Pleins feux sur la Chine » n’est tout simplement pas convaincante.
En effet, le vernissage du 21 janvier avait réservé une (mauvaise) surprise aux visiteurs. Dû à des problèmes de visas auprès des douanes, les œuvres exposées ne sont arrivées à Montréal que le matin même. Cette quinzaine d’œuvres, signées par autant de jeunes artistes chinois, avait été exposée lors de la prestigieuse foire Art Basel de Miami et n’avait donc que peu de voyage à faire. Et pourtant, ce sont des œuvres posées à même le sol, adossées contre les murs de la galerie, auxquelles les visiteurs ont eu droit. Un triste rappel que, malheureusement Madame la Consule, si « l’art n’a pas de frontière », le monde dans lequel il vit, lui, en a des bien réelles.
Cette exposition avait aussi pour mandat de montrer le côté moderne et varié de l’art chinois. Un beau mandat, pour un pays de plus d’un milliard d’habitants, qu’on limite souvent à l’art des images traditionnelles. Côté diversité, on s’y retrouve, et côté non traditionnel aussi. Mais le résultat est une exposition où on ne sait où donner de la tête. Pour Grace Fu, une étudiante de troisième année en Histoire de l’art à McGill, spécialisée dans l’art chinois, « il est difficile de voir une quelconque cohérence entre toutes ces œuvres, il manque un principe rassembleur ». Alors oui, toutes ces œuvres sont le fruit d’une collaboration entre le Canada et la Chine, et les différentes régions de la Chine entre elles ; on salue l’idée. Mais cette collaboration ressemble plus à une addition qu’à une réelle synergie.
On peut accorder à « Pleins feux sur la Chine » une certaine clarté dans son message : la Chine n’est pas quelque chose d’homogène dont l’art peut être défini en quelques mots. Non, la Chine est grande, complexe et pleines de richesses qu’il nous reste encore à essayer de comprendre. Spectaculairement Chine, qui s’étend jusqu’au 1er mars, mettra à l’honneur l’art chinois sous la forme de danse contemporaine, avec le spectacle « Fault Lines », de musique classique, avec l’Orchestre symphonique de Montréal, et d’opéra traditionnel chinois. On espère que cette programmation, elle aussi plutôt variée, sera plus cohérente que « Pleins feux », tout en soulignant cette diversité culturelle chinoise, l’objectif –louable– majeur de l’événement dans son ensemble.