* Cahier spécial « Hors Norme »
Gauthier de Costes, sieur de La Calprenède, de Toulgou et de Vatimény, fait partie de ces personnages de l’histoire de la littérature que l’on place avec un certain plaisir dans la case des énormes, au sens le plus rabelaisien du terme, quand ce n’est pas dans celle des inconnus.
Né en 1609 au château de Salignac, dans ce sud-ouest français où tous les villages ont des noms finissant en –gnac, Gauthier de Costes, sieur de choses, fait comme la majorité des cadets gascons de son temps et monte à Paris pour se rapprocher de la cour. Doté d’un talent de conteur hors pair, il se fait un nom en écrivant des pastorales à la façon d’Honoré d’Urfé et quelques tragédies méritoires.
Si, jusqu’ici, une telle brève vous étonne de son impertinence, patientez s’il vous plaît, car cet étrange personnage du XVIIe détient un record des plus impressionnant. À Paris donc, Gauthier de Costes, ayant pris pour surnom « La Calprenède », connaît un certain succès qui lui vaudra une demande assez incongrue : sa seconde femme, supposément nommée D’Arnoul de Drague, lui impose d’inscrire dans leur contrat de mariage une clause obligeant l’auteur à finir de composer sa tragédie Cléopatre tant elle était férue des ouvrages de son amant.
Cette fameuse Cléopatre lui vaudra d’ailleurs quelques commentaires élogieux des hommes de son temps, dont la mère Sévigné, Boileau et La Harpe, mais cette pièce est aussi et surtout à l’origine de la fameuse expression « fier comme Artaban », lequel est, vous vous en doutez, l’un des personnages du drame, dont les traits étaient probablement un peu tirés. Seulement l’indécence ne s’arrête pas là, notre homme manque de tuer une première fois en 1663 d’une manière vraiment pittoresque alors qu’il voulait montrer son adresse et tir et que son mousquet lui éclata au visage. La seconde fois fut la bonne, et pas n’importe laquelle ! On prétend que six mois plus tard, c’est un coup de tête de son cheval qui mit fin à ses jours, bien que l’on porta longtemps le chef sur sa dragueuse de femme.
Enfin, voici le temps venu de délivrer le précieux sésame, tenez-vous ! La Calprenède a écrit et publié plus de douze mille pages dans sa vie. Douze mille pages ! Pour qu’on en retienne trois mots seulement, était-ce bien la peine de se donner tant de mal ?