Les garçons et Guillaume, à table ! est l’adaptation de la pièce de théâtre et « one-man show » du même nom que Guillaume Gallienne, sociétaire à la Comédie-Française, a présenté en 2008.
L’histoire est entièrement autobiographique. Guillaume vient d’une famille de la grande bourgeoisie et, ne ressemblant pas à ses deux frères purement machos et virils, il croit réellement être une fille et se met à imiter sa mère, à laquelle il est très attaché. Après tout, quel meilleur modèle féminin pour une fille que sa propre mère ? Alors il se met à s’approprier ses manières et sa voix, de sorte que plusieurs personnes le confondent avec sa mère et que toute sa famille le prend pour un homosexuel.
Le scénario de Les garçons et Guillaume… est intelligent et particulièrement hilarant. Il explore, entre autres, le thème de la quête identitaire, un sujet dans lequel toute personne peut se reconnaître et qui est abordé avec énormément d’humour et d’autodérision. C’est une comédie parfois absurde et burlesque, mais particulièrement rythmée, où on rit à gorge déployée pendant 86 minutes. On retiendra en particulier la scène de l’audience avec Sissi l’impératrice, née de l’imagination du jeune Guillaume, et brusquement interrompue quand son père entre dans sa chambre lui dire bonsoir.
Un autre sous-thème du film, très almodovarien, est l’admiration et la haute estime de Gallienne pour les femmes. Il les étudie, les adore et rêve de devenir comme elles. Avec son film, le réalisateur leur rend hommage.
Si Gallienne interprétait tous les personnages dans sa pièce, il se limite seulement à deux rôles dans son long métrage : Guillaume et Maman. Rarement un homme n’aura jamais aussi bien interprété une femme. Il va sans dire que Gallienne a eu plusieurs années de pratique et d’étude pour ce même personnage, il a pu s’approprier ses manières et sa voix, de sorte qu’aujourd’hui son double-rôle est aussi précis qu’il est sans faille.
Lorsqu’une pièce de théâtre est adaptée au cinéma, il y a souvent un danger, que la mise en scène soit très statique, en lieu clos, et que le long-métrage ressemble à du théâtre filmé. Or dans Les garçons et Guillaume…, on a droit à une mise en scène très riche, colorée et créative. Le théâtre est présent, avec un aller-retour fréquent entre la narration et le « one-man show », pour garder cette touche originelle et expliquer des éléments au spectateur du point de vue de Guillaume, ce qui est une façon très créative de briser le quatrième mur.
Lors de la 39e cérémonie des Césars en février dernier, Les garçons et Guillaume… était nominé dans dix catégories et a remporté cinq prix, tous amplement mérités : Meilleur film, Meilleur premier film, Meilleur acteur (Guillaume Gallienne), Meilleure adaptation (Guillaume Gallienne) et Meilleur montage.
C’est tout le talent de Guillaume Gallienne qui éclate au grand jour : son monde, sa fantaisie, qui le propulse sur le devant de la scène cinématographique française. Aucun risque, cependant, qu’il devienne une star annexée par le système, car lui, le sociétaire de la Comédie-Française, reste un homme de théâtre avant tout. Son passage très concluant derrière la caméra laisse augurer de beaux projets pour les années à venir ; le public en redemande, et Guillaume Gallienne n’a pas fini de nous faire rêver. En salles dans tous les bons cinémas de Montréal depuis le 14 mars 2014.