La semaine dernière, j’étais en week-end à New York chez un ami d’enfance qui y fait ses études. Sa mère étant galeriste, nous étions invités au vernissage d’une exposition sur l’art urbain dans une des galeries les plus prestigieuses de la métropole. Après quelques échanges mondains et autres analyses sophistiquées sur, notamment, la spiritualité pragmatique du graffiti, la transcendance intemporelle de l’art pictural maya ainsi que l’influence de la religion dans le travail d’Andy Warhol, mon ami et moi tombons nez-à-nez avec l’un des artistes les plus notoires de notre temps : Shepard Fairey. Si vous avez vu l’affiche intitulée « Hope » de la campagne d’Obama en 2008 ou les pochoirs bichromes du catcheur « André the Giant » sous-titré d’un « OBEY » devenu maintenant icone de la pop culture contemporaine en tête, c’est signé Fairey. Sinon, une petite recherche Google fera l’affaire. Grand amateur de paris amicaux, je propose alors à mon ami d’inviter l’artiste à une session de vandalisme que nous avions prévu dans une usine abandonné du Bronx pour le lendemain, tout en lui passant une coupe de champagne afin d’accroître, ne serait-ce que brièvement, ses compétences interpersonnelles. Sans plus attendre, mon ami se dirige vers la cible de notre pari, profitant des quelque secondes de répit qu’on laisse à ce genre de personnalités tous les trente-six du mois. Un bon quart d’heure de pourparlers plus tard, mon ami revient vers moi, alors que je m’attardais négligemment sur une œuvre près de l’entrée. Il m’annonce, triomphal : « C’est bon, on a rendez-vous devant l’entrepôt demain à dix-huit heures, il nous accorde une heure ! ». Damned, il est fort ce petit.
Le lendemain, nous retrouvons Shepard à l’heure prévue et montons sur le toit de la bâtisse. Nous décidons de produire une grande fresque de deux mètres sur quatre, histoire de ne pas faire les choses à moitié. Petit à petit, un poisson phénoménal se profile sur le parapet que nous peignons. Nous en profitons pour parler des dernières actualités du monde de l’art et, notamment, de l’exposition de Peter Doig au musée des beaux-arts de Montréal, d’ailleurs couverte par le Délit il y a peu (Délit du 25 mars, ndlr) tout en fignolant l’intérieur de notre vertébré qui, il faut l’admettre, est l’un des animaux les plus fascinants de notre planète. À la fin de notre session, satisfaits et épuisés, nous nous asseyons au bord du toit plat de l’usine, les pieds dans le vide, admirant le coucher de soleil qui vient calmer l’effervescence de la Grande Pomme. Rien de tel pour entamer ce mois d’avril. Vrai-ment.