À la mi-juin, le gouvernement libéral du Québec déposait son projet de loi 3, pour réformer les régimes de retraite des employés municipaux. Celui-ci implique entre autres que les fonctionnaires devront payer une plus grande part des cotisations. La nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans le milieu, divisant, grossièrement, les syndicats et les fonctionnaires d’une part, les élus municipaux et le gouvernement libéral de l’autre. De par sa nature complexe, le sujet demeure obscur pour la population malgré une large couverture médiatique.
Chaque municipalité du Québec possède ses propres régimes de retraite pour chacun de ses corps (cols bleus, société de transport, etc.). Tous sont à prestations déterminées. Selon l’entente, un montant fixe est assidûment déposé dans la caisse de retraite. L’employé en assume une partie, la municipalité l’autre. Ces cotisations assurent à l’employé qu’il recevra une somme annuelle fixée à l’avance durant la totalité de sa retraite. Cette somme est indexée, chaque année, au coût de la vie. Le régime assure aux retraités de recevoir leur rente, que l’employeur en ait les moyens ou non.
Gérer le déficit des caisses de retraite
Les syndicats parlent de 2 milliards de dollars et le gouvernement de 3,9 milliards. On apprend, sur le blogue économique de Gérald Fillion, que sur les 154 régimes dont les données sont disponibles sur les 170 visés par la loi, 55 % possèdent présentement moins de 85 % de l’argent qu’ils devront verser aux retraités. Le gouvernement de Pauline Marois parlait d’un système en santé à 85 % et plus. Sauf qu’en dessous de 100 %, il y a un manque. De plus, l’espérance de vie qui augmente et le vieillissement de la population font craindre au gouvernement l’accroissement dudit déficit. Les retraites seront plus longues et plus nombreuses tandis que la quantité de travailleurs va décroître.
La Loi 3 veut ramener tous les régimes de retraite municipaux du Québec, en santé ou non, sous une seule loi. Elle fixerait la contribution des deux partis à 50/50. Les fonctionnaires actuels cotisent bien moins. Elle veut aussi ramener les cotisations des régimes à 18 % de la masse salariale (20 % pour les policiers et pompiers). Finalement, la loi garantit les rentes promises aux retraités actuels, avec toutefois la possibilité d’interrompre l’indexation en cas de difficulté jusqu’à ce que la situation se rétablisse.
Ce qui choque les syndicats, c’est que le gouvernement revient sur des ententes déjà signées. « On n’a rien volé (nous)», prônent les fameux autocollants collés sur les voitures de police et dans les métros. Marc Ranger, porte-parole de la Coalition syndicale pour la libre négociation (CSLN), dans un entretien accordé au blogue finance de Yahoo Québec, parle d’ « une loi extrême [qui] traite tous les régimes de retraites comme s’ils étaient au bord de la catastrophe. » Toujours selon lui, seulement 10 à 12 régimes seraient en difficulté. Le reste va « très bien ou relativement bien » et les « déficits sont en train de se résorber ».
De l’indignation à la manifestation
Dans la foulée des manifestations, l’hôtel de ville de Montréal a été saccagé par une dizaine de mécontents, le 18 août, devant des policiers qui ont préféré enquêter après plutôt que d’agir sur le coup. Il est à noter que le Syndicat des employés municipaux de la ville de Montréal (SFMM), sur son site Internet, parle d’un incident « malheureux [qui] ternit l’image des employés municipaux ». Outre les autocollants, d’ailleurs décriés par certaines mairies, les fonctionnaires peuvent arborer des vêtements tape-à‑l’œil. À Montréal, une centaine de policiers sont aussi mystérieusement tombés malades le 26 juillet. Reste à voir ce que nous réserve le « grand dérangement » promis par le CSLN, une journée de mobilisation massive prévue en cas d’un refus de négociation par Québec.
Le gouvernement, qui demeure ferme, a ouvert une commission parlementaire le 20 août 2014. La commission mène présentement des consultations particulières ainsi que des audiences publiques.
On sait aussi qu’un projet de loi similaire visera bientôt les employés universitaires du Québec. Il est donc possible que les manifestations gagnent les universités, dont McGill.