L’entrepreneuriat est un mot en vogue, souvent extirpé de son sens, cristallisant les espérances. Thibaud Maréchal, étudiant de U4 à la faculté Desautels, revient d’un accélérateur pour start-ups au Massachusetts Institute of Technology (MIT); Thomas Brag, lui aussi étudiant à Desautels, revient pour sa part d’une jeune pousse dans l’enseignement : l’Université Draper à San Francisco.
En entrevue avec Le Délit, chacun livre son expérience de formation alternative, étonnante et pratique, ainsi que sa passion pour l’entrepreneuriat, au point de vouloir s’impliquer dans la réforme de son enseignement à McGill.
Thibaud Maréchal a été sélectionné pour la première édition internationale du Global Founder Skills’ Accelerator (GFSA) au MIT. Il y a représenté le Canada avec ses coéquipiers : Timothée Guérin, Valentine Dessertenne, et Toby Welch-Richards. Pendant trois mois, ils ont rejoint treize équipes du monde entier dans un open-space sur le campus du MIT, afin de développer leur projet dans un cadre optimal, tout en bénéficiant d’une formation.
Ce programme consiste en trois phases. Tout d’abord la formation théorique, puis les conseils et conférences d’entrepreneurs accomplis, et enfin, la mise en pratique, échelonnée par trois conseils d’administrations simulés mais réalistes, avant la présentation et le réseautage auprès d’universitaires et d’investisseurs potentiels.
La formation théorique se déroule sur trois semaines et est intitulée : Les 24 Étapes de l’Entrepreneuriat. Elle définit selon Thibaud Maréchal : « un cadre possible d’agir, pas le seul, mais qui prouve son efficacité de manière empirique. »
Fort de ce cadre, les étudiants profitent ensuite du récit des expériences d’entrepreneurs, se focalisant chacun sur l’un des quatre piliers de l’entrepreneuriat : le client, le produit, le modèle d’affaires (définition de la valeur ajoutée de l’entreprise) et la gestion d’équipe. Thibaud en tire deux leçons principales : « savoir vendre son idée est essentiel », et « plus qu’une idée, les investisseurs parient sur une équipe ». En d’autres termes, « l’entrepreneur vend du vent ; une vision, une passion, une équipe ».
Il s’ensuit un rythme effréné de 10 à 12 heures de travail par jour pour la phase de finalisation du projet. Tout est mis en œuvre pour intensifier cette expérience, depuis le financement par McGill des frais de vie, jusqu’à l’impulsion dynamique de mentors du MIT. Les collaborations et le partage d’informations entre les équipes augmentent considérablement leur productivité. Selon Thibaud Maréchal, « partager son idée autour de soi, c’est obtenir un retour ; encore une fois, il s’agit d’améliorer son discours de vente ». Et au-delà de tels enseignements profonds, il situe la richesse de cette expérience dans la multitude de savoirs acquis et de détails rencontrés, que seule la mise en pratique permet.
Thomas Brag est allé à l’Université Draper — fondée par le richissime spécialiste du capital risque Tim Draper, aux nombreux contacts dans la Silicon Valley —, pour sa première édition, en 2012, avant d’y retourner comme assistant pédagogique l’année suivante. D’une durée de huit semaines et avec un coût de $9 500, il s’agit d’un programme exclusivement éducatif, bien que les liens créés impactent le monde professionnel et que certaines activités soient pour le moins atypiques.
Les activités principales y sont les cours de programmation, les conférences de cadres et entrepreneurs de la Silicon Valley, et les excursions. L’ambiance est entretenue par Tim Draper, personnage haut en couleurs, célèbre entre autres pour ses cravates kitsch. Au rythme de trois par jour, les conférences forment l’essentiel du programme. Elles font office de cours, mais de manière moins formelle : à taille humaine (40 étudiants), principalement par questions-réponses, et le tout dans des poufs poires.
L’enseignement à Draper se fait par « la sortie forcée de sa zone de confort », selon Thomas Brag. En effet, depuis le karaoké pour les plus réservés, en passant par l’excursion de cinq jours aux allures de camp de survie, jusqu’à l’égorgement de poulets pour se sustenter, l’Université tire son inspiration du scoutisme et de la rigueur militaire. L’absence de formalité côtoie ainsi le dépassement de soi. Les heures de temps-libre sont dédiées à la mise en pratique. Les équipes de cinq, formées dans le souci de la diversité (origine, sexe, présence d’un développeur confirmé) se lancent pour la plupart dans un projet de start-up, marque de l’aboutissement.
Thomas Brag diagnostique en revanche un manque de temps consacré à « la digestion, la réflexion sur les expériences », et trop peu de contact avec le pan accélérateur de start-up (à la manière du GFSA au MIT) également présent à l’Université. Mais il assimile l’identification de ces problèmes à celle d’opportunités, à savoir leurs résolutions. Comme le décrit avec humour Thibaud Maréchal : « un entrepreneur, c’est quelqu’un de très sympa ; il passe son temps à résoudre les problèmes des autres. »
Thomas Brag se prononce en faveur d’un rapprochement de McGill avec Concordia, puisqu’il avance que toute start-up présente en ligne doit être au moins constituée d’un développeur, d’un gestionnaire et d’un designer ; ce dernier cursus étant absent à McGill. Il veut également agir à travers un projet de « site collaboratif pour entrepreneurs », basé sur l’entraide et de retours faisant office de parrainages ; un projet qui s’affranchirait ainsi des distances.
Quant à Thibaud Maréchal, sa participation active au Centre Dobson pour l’Entrepreneuriat (l’organisateur de la Coupe Dobson) lui permet d’agir pour la promotion de l’esprit d’entreprise et la facilitation de sa mise en application. Ainsi, il compte étendre, par des ateliers notamment, l’écho du Centre qu’il décrit comme un « catalyseur de créativité inter-facultés ».
Allons-nous vers un changement rapide de l’entrepreneuriat à McGill ? Vers un enseignement pratique et ouvert à tous ceux qui en auraient l’âme ? C’est le dénominateur commun et ce à quoi les deux étudiants s’attèlent avec ardeur.