Laval, un frais après-midi d’automne dans un stationnement du second campus de l’Université de Montréal. Les adeptes de musique alternative (lire : ce qui n’est pas Katy Perry) se regroupent tranquillement devant une scène qui exhibe fièrement son identité toute techno-contemporaine : #MRCY2014. Au sein de la foule on arbore soit la tuque, soit la barbe, ou mieux encore, les deux. Parmi la pléthore de foodtrucks présents sur le lieu, on est libre de choisir le produit alimentaire qui nourrit le mieux son corps, sa conscience ou son fil instagram : à savoir, un sloppy joe, une poutine végétalienne ou un gâteau au fromage frit.
On ne consomme pas énormément d’alcool, vu son prix prohibitif des plus efficaces, bien que l’on puisse voir circuler de temps à autre une bouteille furtive qui ne contient pas du jus de pomme. Le prix d’excellence du consommateur revient toutefois à la jeune femme fumant nonchalamment une cigarette électronique dont les émanations sont clairement celles de la marijuana. La cigarette électronique : un achat versatile. Une autre option consiste aussi à se diriger vers l’épicerie la plus proche pour s’y procurer de l’alcool à un prix raisonnable (lire : Pabst Blue Ribbon) qu’on consommera en vitesse avant de retourner sur les lieux du spectacle.
Une fois les besoins du corps assouvis, les oreilles peuvent se régaler d’une programmation bien fournie : les groupes locaux Thus Owls et Caravane ouvrent le bal vers 15h avec leur musique respective, l’une aux accents mélancoliques, l’autre d’un rock modernisé et assumé francophone. S’en suit ensuite l’artiste Foxtrot, appelée à la dernière minute afin de remplacer Sky Ferrera. Accompagnée d’un synthétiseur, de quelques percussions et d’une seule musicienne — une joueuse flegmatique et énigmatique de cor —, la chanteuse profite de cette occasion de dernière minute pour présenter à un autre public son univers musical aux beats puissants. Le groupe montréalais les Barr Brothers s’est ensuite produit sur scène, diffusant une mélancolie folk et maitrisée, idéale pour des adieux à l’été dans la fraicheur d’un coucher de soleil. À la tombée de la nuit, vient le tour de Death From Above 1979, duo punk-rock torontois à la composition intéressante. En effet, le groupe est formé d’un batteur-chanteur et d’un bassiste, musiciens trop souvent relégués à l’arrière-plan. Les deux parviennent à enflammer la foule avec des jaillissements déchainés de métal, des solos électrisants et des interpellations en français à la foule dont un mémorable : « La dernière fois que j’étais à Laval, c’est quand mon grand-père est mort pis on est allé faire du bowling et manger de la poutine… Vous êtes vraiment fins d’applaudir que mon grand-père est mort. »
Puis un des joueurs les plus attendus de la soirée fait son entrée : le mythique et obscur (oui, c’est possible) groupe américain Neutral Milk Hotel. Retentit alors la musique festive d’une vraie bande de déjantés aux allures de personnages sortis des bois, entre le conte de fée et la bande de motards : trompettes, chandails de laine « hipstériques », guitare sertie de flocon de neige. Plusieurs de leurs chansons se sont prolongées dans des vibrations entrainantes aux limites du transcendantal pour la foule déjà électrisée.
Puis vient le moment majeur de la soirée, l’arrivée du groupe Metric sur scène. Toute l’attention se concentre sur le personnage évanescent de la chanteuse Emily Haines, sorte de nymphe blonde du rock, qui exsude une fragilité émotionnelle contrastant avec l’aplomb des hymnes de rock électronique dans lesquels elle s’exprime. Le groupe reprend plusieurs de ses succès populaires dont « Help I’m Alive », « Dead Disco » et « Stadium Love » alors que les éclairages inondent la scène de roses et jaunes incandescents qui alternent avec des effets surréalistes de noir et blanc et l’inévitable stroboscope.
La soirée se termine dans l’émotion lorsqu’avant d’entamer sa chanson « Breathing Underwater », la chanteuse fait une de ses rares interpellations à la foule pour lui dire : « It’s important to be okay.» « I just need to remember to be okay », s’est-elle répété à elle-même à mi-voix après un instant. Puis, comme il est conventionnel de le faire en fin de spectacle, la foule se joint au groupe pour entamer le refrain à l’unisson qui a faibli progressivement pour finir accompagné seulement d’une guitare et d’un torrent de voix implorant « Is this my life ?». Puis le groupe s’éclipse sans faire de rappel, indifférent à la clameur de la foule pour encore un peu davantage. « They were right when they said we should never meet our heroes » avait-on chanté seulement quelques secondes plus tôt.
Autre note discordante en fin de soirée, les participants à l’évènement étaient nombreux à s’être rendus à Laval en métro sous l’impression que « La STL offrira[it] le transport gratuit à toutes les personnes qui auront leur billet en main », comme le précisaient les nombreuses annonces de l’événement. Faux : les fameux détenteurs de billets se sont retrouvés coincés par centaines dans la station Montmorency pendant un bon moment. Façon désagréable de terminer une soirée autrement magique.