Lucien Bouchard, président du conseil d’administration de l’OSM, a ouvert le concert du 10 septembre en résumant le succès de la dernière année ainsi que les points marquants de la programmation 2014–2015, qui s’annonce prometteuse. Entre autres, en première nord-américaine, Kent Nagano dirigera L’Aiglon, un drame musical inspiré de la vie du fils de Napoléon. De grands invités sont attendus, dont les pianistes Lang Lang et Boris Berezovsky et le chef d’orchestre Zubin Mehta pour la Troisième symphonie de Mahler. Finalement, le premier acte de Valkyrie de Wagner terminera la saison au mois de mai.
Roméo et Juliette de Berlioz, jouée pour la dernière fois par l’OSM en 1985, est un excellent choix pour entreprendre une nouvelle année sous le thème de la jeunesse éternelle et pour permettre à l’Orchestre de continuer dans sa lignée de rendre la musique plus accessible au grand public. Alors, quoi de mieux qu’une adaptation de l’histoire des deux amants les plus connus de la littérature anglaise.
Les amateurs de la pièce de Shakespeare risquent d’être déçus. Il ne s’agit pas d’une adaptation symphonique de l’œuvre, mais plutôt d’une adaptation musicale (avec et sans chœurs) très libre des grandes parties de la pièce. Les voix faisant surtout de la mise en contexte, il est donc essentiel que les musiciens transposent la richesse expressive, le drame, les émotions et le romantisme derrière l’histoire originale.
La première partie met l’histoire en contexte et présente la rivalité Capulet-Montaigu. On retiendra un divin duo entre la mezzo-soprano française Clémentine Margaine et le harpiste Jennifer Swartz, ainsi que l’excellente performance des violoncellistes du début à la fin.
La deuxième partie est quasi exclusivement orchestrale et représente un défi d’interprétation pour les musiciens, qui doivent mettre en musique les sentiments derrière le texte mythique de Shakespeare. Une mention spéciale doit être faite au hautbois Theodore Baskin pour son Roméo solitaire et mélancolique juste avant de rencontrer sa Juliette au bal. La scène d’amour, pièce de résistance de la symphonie, est réussie. Léger bémol : une petite erreur s’est glissée dans le programme et la troisième section de cette partie, la Reine Mab, a été oubliée. Néanmoins, elle fut exécutée merveilleusement avec beaucoup de légèreté et de délicatesse.
C’est dans la troisième partie que l’émotion et le drame tant recherchés sont à leur paroxysme. La dernière partie de la symphonie débute avec le cortège funèbre de Juliette et se termine avec la réconciliation des deux familles. Le baryton français Nicolas Testé, qui a déjà chanté Roméo et Juliette avec l’Opéra d’Amsterdam, est clairement le plus solide des vocalistes. Sa voix est puissante et se disperse merveilleusement bien dans la maison symphonique. Son interprétation du Frère Laurence est juste, moralisatrice et forte.
Tout au long du concert, Maestro Nagano était particulièrement passionné dans la direction de ses musiciens. Les transitions entre les différentes parties de l’œuvre ainsi que les changements de nuances ont été bien exécutés. C’est de bon augure pour la saison qui s’amorce.