L’arrivée du Première Moisson dans la cafétéria Redpath est loin d’être passée inaperçue. Derrière nous, loin derrière nous, sont les jours où nous n’avions qu’à descendre quelques étages pour pouvoir aller chercher un single-single et un donut qui, pour moins de cinq dollars, nous permettaient de survivre à une nuit blanche à McLennan.
Avant toute chose, je veux reconnaître l’effort qu’a fait l’Université McGill en mettant à la disposition de ses élèves une nourriture plus saine et ce, à travers une entreprise fondée au Québec qui utilise en priorité des ingrédients issus de l’agriculture locale. Toutefois, il semblerait que le fossé soit grand entre ce que l’université pense que les élèves souhaitent, et ce que nous désirons réellement. Ce que nous pouvons trouver à Première Moisson est certes plus sain et savoureux que ce que son prédécesseur proposait, mais… À quel prix ? Un coup d’œil rapide autour de moi m’a permis de me rendre compte que non, je ne suis pas le seul à refuser de payer 7,26$ pour un café moyen et une portion minime de salade de fruits. C’est ce genre de prix qui nous forcera à nous éloigner du campus (un problème surtout l’hiver) pendant nos sessions d’études, ou à compter de plus en plus sur des initiatives étudiantes comme Midnight Kitchen.
Ce problème d’accès à une alimentation bon marché ne vient pas seul. Nous prenions pour acquis la rapidité du service qu’offrait Tim Hortons, particulièrement en période d’examens. Nous n’aurions peut-être pas dû. Les queues étaient déjà longues lors de mes quelques visites à Première Moisson et ce, non pas à cause de l’achalandage légendaire de la cafétéria —nous ne sommes qu’en septembre— mais à cause de la lenteur et du manque de professionnalisme du personnel. Plus d’une fois, j’ai pu assister au spectacle d’employés savourant tranquillement leur café devant des queues sans fin ; ou même celui d’une employée se plaignant de ne pas avoir le temps d’en boire un pendant son service. Il est difficile d’imaginer une attitude aussi détachée dans une succursale qui se trouve dans la bibliothèque la plus fréquentée d’une université de plus de 38 000 étudiants.
Ce type de remarque a sûrement dû échapper à la plupart des étudiants qu’ils servent, puisque le personnel est très majoritairement francophone. Un effort qui parait louable à première vue, mais qui finalement fait émerger un autre problème. Alors que Montréal ne manque pas de main‑d’œuvre bilingue, le Première Moisson situé dans la cafétéria de la plus grande université anglophone du Québec, si ! J’ai dû assister, par exemple, à un dialogue de sourds entre un étudiant anglophone qui ne demandait rien d’autre qu’un café filtre, et une employée incapable de lui expliquer qu’il ne se trouvait pas dans la bonne file. Le Première Moisson de la cafétéria Redpath ne pose donc pas seulement un problème d’accès du point de vue financier, mais aussi du point de vue social : une des choses qui fait de l’Université McGill ce qu’elle est, c’est sa diversité. Malheureusement, cette diversité se trouve desservie par un service à peine bilingue et incompétent.
J’en appelle donc aux deux instances concernées, le Service de logement étudiant et d’hôtellerie de McGill et la compagnie Première Moisson, à effectuer le plus rapidement possible les changements nécessaires pour un meilleur accès à de la nourriture abordable sur le campus. Qu’ils n’oublient pas que les premiers clients de la succursale ce sont nous, les étudiants.