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Le maire affirme le « retour de Montréal »

Denis Coderre a rendu publics son bilan et ses objectifs pour la ville.

Luce Engérant

Le 9 septembre dernier, l’Association des économistes québécois présentait un dîner-conférence où le maire Denis Coderre était invité à définir sa vision du développement économique de Montréal. Ce dernier en a profité pour dresser un bilan de ses dix premiers mois à l’hôtel de ville, ainsi que pour présenter les projets qu’il entend réaliser d’ici la fin de son mandat en 2017.

Dix mois de pouvoir

Le maire Coderre a commencé par souligner que depuis son élection le 3 novembre dernier, l’ambiance a drastiquement changé à l’hôtel de ville. Il explique ce changement de ton par une plus grande collaboration entre le parti au pouvoir et ceux de l’opposition. Par exemple, la direction du recouvrement de l’autoroute Ville-Marie a été confiée à l’urbaniste et chef de l’opposition, Richard Bergeron. Le recouvrement d’une longueur de 125 mètres aura lieu près de la station Champ-de-Mars au centre-ville et servira à créer un espace public distinctif qui devrait être fini pour 2017. M. Coderre croit que c’est avec ce genre d’attitude que les politiciens vont pouvoir changer la perception du public au sujet de la politique municipale.

Le maire a aussi rappelé aux participants les actions qu’il avait entreprises pour combattre la corruption à Montréal dans les 100 premiers jours de son mandat — chose qu’il s’était engagé à faire pendant sa campagne. Il a créé avec l’aide du gouvernement provincial le poste d’inspecteur général et a nommé une « véritable pointure » à ce poste : l’ancien procureur de la commission Charbonneau, maitre Denis Gallant. Ce dernier a le pouvoir d’intervenir auprès de toutes les entreprises qui font affaire avec la ville et de suspendre n’importe quel contrat public s’il en voit le besoin.

Denis Coderre a aussi assuré miser ces derniers mois sur une plus grande collaboration avec les régions. Il a rappelé notamment que, l’hiver dernier, il s’était rendu dans plusieurs villes de la province pour y affirmer que la métropole n’est pas en compétition avec les régions et que l’Union des municipalités du Québec doit parler d’une seule voix pour faire contrepoids au gouvernement provincial. Et c’est non sans fierté qu’il rajoute que la dernière fois qu’un maire avait fait une telle tournée c’était il y a quinze ans, lorsque Pierre Bourque s’était rendu aux quatre coins du Québec pour parler de la fusion des municipalités. 

Finalement, le maire a fait valoir son travail sur l’assainissement des finances publiques, un sujet qui était au centre de la plateforme politique de son équipe aux dernières élections municipales et qui est actuellement au cœur de l’actualité provinciale. Des mesures ont déjà été adoptées, comme le non-renouvellement d’un départ sur deux dans l’administration montréalaise. Au cours des cinq prochaines années, cette politique devrait se traduire par une diminution de 2200 postes et des économies annuelles de 240 millions. Cette somme sera réinvestie dans les infrastructures de la métropole. Le maire a du même coup insisté sur la « nécessité » du projet de loi 3. La réforme présentée vise à assurer l’équité intergénérationnelle et la continuité des régimes de retraite dans le secteur municipal, sujet très controversé sur la place publique. Avec ce projet de loi, les villes devraient voir la contribution au régime de retraite de leurs employés passer de 70% à 50%. En d’autres mots, presque tous les employés municipaux verront leur contribution annuelle augmenter, mais leur pension s’accumuler moins rapidement que par le passé. La loi n’a pas encore été adoptée et est largement discutée par les employés municipaux, ce pour quoi le maire a voulu la faire valoir lors de cette conférence.

Le futur de Montréal : une ville plus autonome ?

À la veille du 375e anniversaire de la ville de Montréal qui aura lieu en 2017, le maire Coderre a livré sa vision pour la métropole. D’abord, il croit obligatoire qu’elle devienne plus indépendante des gouvernements fédéral et provincial. Pour ce faire, Montréal devrait selon lui avoir le statut spécial de métropole québécoise. Les discussions à ce sujet ont commencé l’été dernier et le gouvernement provincial semble être ouvert à cette idée. Ce statut particulier pourrait entre autres signifier que la ville obtiendrait des pouvoirs supplémentaires en termes de gouvernance et de politique de transports. Le processus décisionnel devrait également se voir simplifié et accéléré afin d’améliorer le taux de réalisation des projets sur le territoire. M. Coderre affirme aussi qu’il est nécessaire de mettre sur pied Investissement Montréal, un organisme qui gérerait plus efficacement qu’Investissement Québec les sommes déjà investies dans le développement de la ville par le gouvernement provincial. Cet organisme aurait comme mission d’attirer des entreprises étrangères en leur offrant des incitatifs fiscaux, tout en respectant une stratégie sectorielle et la réalité montréalaise. De plus, Investissement Montréal aurait selon les propos de Denis Coderre la responsabilité de protéger les acquis économiques et stratégiques de la métropole. Par exemple, l’organisme aurait tout à fait pu avoir comme tâche de négocier avec la compagnie Electrolux, qui a plié bagage pour Memphis au printemps dernier. 

Sur une note plus douce et superficielle, le maire a glissé un mot sur le sport. Un sujet surement plus fédérateur et populaire que les réformes économiques qu’il est en train d’entreprendre. Les amateurs seront ravis d’apprendre que Montréal et la ville de Toronto accueilleront le championnat mondial de hockey junior cet hiver. Montréal se joindra aussi à cinq autres villes canadiennes pour la tenue du championnat mondial de soccer féminin l’été prochain. Le maire annonce beaucoup d’autres projets ambitieux en ce qui concerne les événements sportifs d’envergure mondiale ; entre autres, celui d’accueillir le match des étoiles de la MLS (la ligue majeure de soccer d’Amérique du Nord) en 2017 et la coupe du monde de soccer en 2026.

Malgré une élection difficile, car extrêmement compétitive, M. Coderre s’est imposé en quelques mois comme un maire omniprésent sur la scène publique montréalaise et provinciale. Son intégrité, jusqu’à preuve du contraire, contraste de beaucoup avec le comportement de ses prédécesseurs au poste d’«Honorable » de la ville. Rappelons la démission soudaine de Gérald Tremblay en 2012, puis l’arrestation de Michael Appelbaum en 2013 par l’unité permanente anticorruption sept mois seulement après son entrée en fonction à titre intérimaire. Si la popularité et la viabilité des mesures de M. Coderre sont encore incertaines, lui, annonce à qui veut l’entendre : « Montréal est de retour ! » L’issue des négociations sur la loi 3, ainsi que celles sur la réforme du financement des arrondissements nous le diront assez tôt.


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