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En mal de financement

Les universités appelées à améliorer leurs pratiques.

Frédérique Lefort

Les universités québécoises ont reçu, le 3 septembre dernier, des documents du ministère de l’Enseignement supérieur du Québec les informant de nouvelles compressions dans le financement du réseau universitaire. Les universités décrient depuis longtemps déjà le sous-financement du système québécois en comparaison aux universités du reste du Canada. Les coupes de 172 millions, qui font suite aux  baisses de financement de 123 millions imposées depuis deux ans, viennent donc taper sur un système qui est « déjà par terre », victime de « mal-financement » plutôt que de sous-financement, soutient Camille Godbout, co-porte-parole de l’ASSÉ, en entrevue avec Le Délit. Alors que les recteurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Laval, entre autres, ont déjà annoncé que ces compressions budgétaires amèneraient « nécessairement la révision ou la réduction de certains services [aux étudiants]», le vice-principal aux relations externes de l’Université McGill, Olivier Marcil, affirme avoir « bon espoir d’arriver à maintenir les services aux étudiants » en dépit des compressions imposées.

Le ministre québécois de l’Éducation, du Loisir et du Sport Yves Bolduc demande aux universités qui critiquent le sous-financement du réseau de l’enseignement supérieur d’«améliorer leurs pratiques » afin de maintenir les services aux étudiants. Un rapport publié en 2010 par le CIRANO (Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations) démontre que le Québec serait un élève modèle lorsqu’on parle de financement public du système universitaire : en 2007, 1,83% du PIB de la province était investi dans le réseau, contre 1,54% en moyenne dans le reste du Canada. Ainsi, comme le soulève Camille Godbout, co-porte-parole de l’ASSÉ, on devrait parler de « mal-financement » plutôt que de sous-financement. Cette dernière soutient qu’on devrait « s’attaquer à la racine du problème » et revoir la façon dont l’argent est distribué plutôt que d’imposer des coupes majeures dans l’ensemble du réseau.

M. Bolduc « exige » que les universités réalisent des économies de 11 millions de dollars « par des gains de productivité » et de 6,5 millions supplémentaires en « réductions de […] leurs dépenses administratives ». À l’Université McGill, 75% des coûts de fonctionnement sont reliés à la rémunération des employés. Lors des compressions imposées en 2012–2013, l’administration avait dû procéder à des baisses de salaire de 3% à 9% et encourager « les départs volontaires à la retraite », entre autres, pour tenter de maintenir l’équilibre budgétaire. Peut-on économiser davantage de ce côté sans nuire aux conditions de travail des employés ?

Pour Camille Godbout, les demandes du gouvernement sont « irresponsables » : il est irréaliste de demander des réductions administratives si importantes de leur part alors qu’on ampute leur budget depuis plusieurs années malgré l’augmentation du nombre d’étudiants. La co-porte-parole soutient que ces demandes forceront les universités à « s’endetter davantage » et à diminuer les services aux étudiants. L’Université Laval parle même d’abolir certains programmes en réponse aux compressions.

La situation de l’Université McGill semble donner raison à Camille Godbout : dans un communiqué publié le 17 septembre, le Sénat annonce que l’Université prévoit un déficit d’environ 15 millions plutôt que le 7 millions déjà approuvé en avril 2014. La principale et vice chancelière Suzanne Fortier affirme dans un communiqué publié le 17 septembre que McGill s’attendait à de telles coupes et ne se trouve donc pas dans une si mauvaise situation puisqu’elle y était préparée. Toutefois, étant donnée la complexité des nouvelles règles budgétaires dont l’Université a récemment été informée, la principale ne cache pas qu’il est « trop tôt pour connaître l’effet des compressions budgétaires sur le déficit » et estime qu’il faudra attendre plusieurs semaines avant que le document ne soit étudié en détail.


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