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L’attrape-cœur d’Oona

Frédéric Beigbeder et son nouvel opus : Oona et Salinger.

Zoma Maduekwe

Ah l’amour, l’amour, il nous écrira toujours des histoires d’amour, le Frédéric ! Et puis pas n’importe laquelle. Fidèle à son sujet de prédilection, Frédéric Beigbeder ne raconte plus les amours ratées d’Octave, ni d’Oscar, ni de Marc, mais de J.D. Salinger et d’Oona O’Neill. Nous quittons enfin Paris pour nous retrouver à New York en 1940.

C’est dans un vieux bar de la 3e et de la 53e rue que Salinger fera la rencontre de Mlle Oona. Cette gamine est à peine âgée de 16 ans, a les cheveux noirs, les ongles rouges et une cigarette à la bouche. Elle est assise aux côtés de la jeunesse dorée new-yorkaise : dans les voisins de tablée, on retrouve Truman Capote et Orson Welles. Salinger tombe immédiatement sous le charme de la fille d’Eugène O’Neill, prix Nobel de littérature. Fasciné par cette orpheline au nom mythique, il la désire sans oser la toucher. Parti à sa recherche, il la retrouve sur la promenade du Jersey Shore, lui sert à boire, l’embrasse et fait d’elle sa petite amie. Malheureusement, cela ne durera pas longtemps. En 1941, les États-Unis entrent enfin en guerre contre l’Allemagne et se préparent à libérer la France. Salinger, assoiffé d’héroïsme et d’idéalisme, se porte volontaire et connaîtra quatre ans d’enfer.

Oona, quant à elle, décide de suivre sa mère partie pour Los Angeles. C’est donc à 17 ans qu’elle refait sa vie et qu’elle rencontre celui qu’elle ne tardera pas à épouser : Charlie Chaplin. Elle vivra à ses côtés jusqu’à sa mort en 1977. Mère de huit enfants, elle se retrouvera alors seule, déprimée et alcoolique dans son manoir suisse. Salinger, lui, s’enfermera dans sa cabane à Cornish dans le New Hampshire.

Jusqu’ici, ce roman peut s’apparenter à un récit historique, mais ce n’est pas le cas. Beigbeder présente son texte comme étant de la « faction », c’est à dire « une forme narrative qui utilise toutes les techniques de l’art de la fiction, tout en restant on ne peut plus proche des faits ». Beigbeder s’est donc amusé à chercher le plus de détails possible sur la vie de ces deux fantômes du passé pour réécrire leur histoire. Il s’agit donc du couple Salinger/O’Neill revu et corrigé par l’imagination de l’auteur. L’idée rappelle celle de Woody Allen dans son Midnight in Paris, lorsqu’il recrée les amitiés de Hemingway et de Fitzgerald. Bref, « si cette histoire n’est pas vraie, dit-il, je serai extrêmement déçu ».

On reconnaît la signature Beigbeder. Il fallait bien qu’il trouve deux êtres névrosés, blasés, alcooliques, puant le tabac froid, à la recherche de sens, perdus dans un nihilisme total, avec la littérature comme seule ligne de fuite. Enfin comme il est d’usage chez cet écrivain de faire de sa propre personne le fil rouge du roman, on retrouvera la trace d’un homme qui ne cesse d’être fasciné par la relation malsaine de l’homme et de la femme et par ce que la littérature arriverait à en dire. 


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