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Ode à l’émotion

Quand jazz et danse cheminent ensemble.

Frédéric Chais

Issues d’une collaboration entre le festival Off Jazz de Montréal et le « laboratoire de mouvements contemporains » Tangente, diverses représentations de l’œuvre intitulée The Muted Note eurent lieu tout au long de la fin de semaine au Monument National. Le Délit était au spectacle de samedi soir, heureux d’échapper aux intempéries de la journée et intrigué par ce qui l’attendait dans l’édifice, lui-même emblématique de l’activité culturelle montréalaise.

Un public distingué attend les artistes avant le début du spectacle, prévu pour 19h30. L’élégance et la courtoisie sont au rendez-vous pour cette soirée qui semble être placée sous les thèmes de la féminité et du raffinement. Un à un, musiciens et danseurs font leur apparition sur le parterre du studio. Le tromboniste et compositeur (Scott Thomson) amorce une série d’accords tandis que les danseurs entament quelques pas de danse. L’ambiance a tout de détendu, de confortable, et une certaine intimité se propage dans la salle. Susanna Hood, chorégraphe et chanteuse de l’ensemble précise que The Muted Note est une mise en musique du recueil de poèmes Eleven Poems de P.K. Page, poète canadienne décédée en 2010. Sa poésie parle d’existentialisme, de nature, de mystère et bien sûr, d’amour.

Sur le plan musical, The Muted Note se définit par des compositions simples et efficaces. L’idée n’est pas de mettre en valeur quelque virtuosité artistique mais de transmettre l’émotion des poèmes de Page en accompagnant les danseurs. La chanteuse Susanna Hood opte pour un ton mélodico-dramatique dans son interprétation, frôlant un certain pathos parfois poussif. Cela dit, une belle complicité se crée entre les musiciens et les danseurs, notamment lorsque les solos des premiers se joignent aux performances individuelles des seconds. Plus particulièrement, l’énergie, le lyrisme et la justesse des improvisations de la danseuse Ellen Furey sur « Gazing Stars » n’échappent pas à un public enthousiasmé. Plus rythmiques, parfois animaliers, les enchainements des interprètes Bernard Martin et d’Alanna Kraaijeveld n’ont cependant rien à lui envier et confèrent à la représentation toute son originalité. On saluera également le talent de l’éclairagiste et artiste visuel Paul Chambers, prouvant à chaque instant que pour livrer un bon spectacle, le fond est indissociable de la forme. 

Il n’y a pas à dire, le pari difficile lancé par Susanna Hood et Scott Thomson d’allier jazz, danse et poésie méritait le détour. Le journaliste et historien spécialiste de la culture afro-américaine Joel Augustus Rogers l’écrivait déjà en mars 1925 : « Le jazz est la révolte de l’émotion contre la répression. » Il y avait quelque chose de ça samedi soir au Monument National…


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