La Slovénie ? Ça doit se trouver quelque part en Europe ! Difficile de localiser cette petite économie sur une carte. Seulement, le cas slovène démontre parfaitement le passage d’une économie planifiée à une économie de marché. Alors, commençons par une brève révision géographique et historique.
La Slovénie est un pays situé sur le continent européen, entre l’Italie et la Croatie, dans le prolongement des Alpes autrichiennes, et bordé par la mer Adriatique. Ce petit pays de 20 273 km2 et peuplé de seulement 2 millions d’habitants suscite peu d’intérêt sur la scène mondiale et, pourtant, son potentiel est énorme.
Le pays acquiert son indépendance de la Yougoslavie le 25 juin 1991 avant de rejoindre l’Union Européenne (UE) le 1 mai 2004 (puis d’adopter la monnaie européenne en 2007). Entre temps se joue un changement considérable puisque le pays passe d’une économie planifiée à une économie de marché. Très vite, la croissance économique arrive avec un PIB (Produit Intérieur Brut) qui grimpe de 3 à 7% par an entre 1993 et 2008. S’ensuit un taux de chômage faible avoisinant les 6% avant la crise (l’un des plus faibles de l’UE), une industrialisation rapide et un pays qui passe rapidement de statut d’emprunteur à celui de contributeur de la Banque Mondiale. De plus, l’entrée dans l’Union Européenne a permis au pays de bénéficier des fonds de développement FEDER (235 millions d’euros de fonds en 2004) donnant la possibilité au pays de consolider son économie et ses infrastructures.
La crise questionne
Cependant, la crise financière de 2008 n’épargne pas la Slovénie. Leur PIB est parmi ceux qui ont baissé le plus dans la zone OCDE en 2009 (-8% environ); soit une chute monumentale. Malgré un bref espoir de reprise en 2010 (+1.2%) et 2011 (+0.6%), le pays repart sur une pente régressive en 2012 (-2.3%), confirmée en 2013 (-1.6%). À cela s’ajoute un chômage de 10.9% en 2013, bien au-dessus des années d’avant crise. L’époque glorieuse d’une forte croissance semble révolue et le pays fait actuellement face à de nombreux problèmes : le déficit du système des retraites, un système universitaire de bon niveau mais une durée trop longue et une dépendance criante face aux énergies fossiles.
Assurer le financement des retraites
La part des retraites dans le PIB devait passer de 11% en 2010 à 20% en 2060 mais une réforme exigée par l’UE et engagée par Alenka Bratusek (ex-présidente du gouvernement avant de céder sa place le 18 septembre 2014 à Miro Cerar) prévoit que ce taux soit de 18% en 2060. L’objectif est donc de permettre au pays de rétablir l’état de ses finances publiques pour atteindre un équilibre budgétaire, très impacté durant la crise. En 2009, année noire sur le plan économique, le déficit des administrations publiques atteint 5.9% du PIB. Ainsi, l’OCDE proclame que « la crise a révélé d’importantes faiblesses dans l’économie slovène ».
La réforme de l’éducation supérieure
La Slovénie possède un atout de taille : une main d’œuvre de bon niveau. Mais au-delà d’un bon système universitaire, les étudiants slovènes mettent trop de temps à terminer leurs études, freinant l’arrivée des jeunes sur le marché du travail. L’OCDE classe le pays comme celui de l’UE où la durée des diplômes universitaires est la plus longue (7 ans en moyenne contre 3 pour la Grande-Bretagne). La cause ? Les taux de réussite sont bas par rapport aux autres pays de l’UE. Une réforme en cours prévoit de restructurer les financements des études avec des frais et prêts associés annexés sur le revenu des foyers pour d’une part augmenter les revenus, et d’autre part rendre le système plus équitable. Ce léger endettement des étudiants les rendrait plus réceptifs aux signaux du marché du travail pour leur permettre d’achever plus rapidement leurs études. Une politique qui permettra également une diminution des dépenses publiques en ces périodes d’économies budgétaires. Une amélioration en vue donc, qui viendrait ajouter au marché du travail du personnel qualifié, permettant un bon entretien des infrastructures et un fonctionnement de l’appareil industriel encore plus performant.
Passer à l’hydroélectrique
Cependant, nulle industrie ne peut exister sans énergie ! La clef du développement économique est donc un approvisionnement énergétique bien géré, stable et compétitif. Aujourd’hui, une large part de la production électrique provient des énergies fossiles (36.1%). Cela inclut principalement le charbon, ressource peu coûteuse à exploiter et abondante dans les sols slovènes, quoique très polluante. Mais le pétrole et le gaz occupent une place non négligeable. Le nucléaire représente 35.1% de la production énergétique (une source nécessitant un apport d’uranium de l’étranger). Ces trois dernières ressources n’étant pas extraites sur place, le pays dépend des cours du baril pour sa production énergétique. L’énergie semble donc causer des problèmes, sachant que le pays s’est engagé à intégrer 20% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale d’ici 2020 dans le cadre de la réduction des gaz à effets de serres. Le pays possède une ressource très largement marginalisée : l’énergie hydroélectrique (26.1% dans la production électrique). Or les Alpes slovènes sont propices à de nombreux sites et cette source d’énergie est en pleine croissance (+10.2% en 2011–2012). Les Alpes slovènes, encore enclavées par endroits, sont peu exploitées et le pays est l’un des rares au monde ayant le potentiel permettant de produire 100% de son électricité grâce aux barrages. De plus, une mine de charbon, de par sa haute automatisation, emploie peu de main d’œuvre pour assurer son fonctionnement. Un barrage, unité de production de haute technicité, requiert de nombreux ouvriers et ingénieurs pour assurer une production optimale. Un argument de taille dans le cadre de la création d’emplois et de la lutte contre le chômage. Une piste à développer donc, sans oublier l’argument économique : aucune dépendance au cours du brut et du gaz, indépendance énergétique et une contribution positive au climat de la planète.
Vers la réindustrialisation
L’économie slovène s’est progressivement « tertiarisée » depuis l’indépendance en 1991. En 2013, les services représentaient 65.9% des emplois avec une croissance de 1.3% par an. La croissance du secteur industriel est de 1.9% en 2013 et sa contribution à l’emploi est de 31.6% (avec une moyenne de 28.7% pour l’UE). Le pays semble se diriger vers une réindustrialisation. Cependant, la Slovénie peine encore à produire des biens à haute technicité, ce qui permettrait d’exporter des produits finis à forte valeur ajoutée et de contribuer à rééquilibrer son déficit commercial de 1.22 milliard d’euros en 2008. Il semblerait donc qu’il faille rééquilibrer les secteurs d’activités, à l’avantage de l’industrie de pointe.
La Slovénie a réussi à sortir rapidement de son statut de pays communiste. Malgré la crise de 2008 et ses conséquences, nombreux sont les atouts du pays (faible démographie, bonne situation géographique) qui permettent d’envisager un retour de la croissance et un développement « vert » envié par ses voisins. Le petit état slovène a à sa tête, en la personne de Miro Cerar, un « euro-phile » convaincu, qui souhaite se rapprocher des institutions de Bruxelles et qui a su créer les bases d’une industrie performante et équilibrée. Il semblerait que le pays ait de beaux jours devant lui et que « le bon élève des pays des Balkans » (comparé à une Serbie ravagée par la Guerre du Kosovo et une Croatie dépendante du tourisme) soit une appellation méritée.