Que l’on souhaite y faire carrière ou simplement y acquérir une précieuse expérience de travail, le Nord québécois et le Nord canadien recèlent d’occasions en or pour les étudiants et les nouveaux diplômés. Le Délit tente de faire la lumière sur les nombreuses opportunités professionnelles qu’offrent ces territoires éloignés.
Tremplin professionnel
En entrevue avec Le Délit, l’étudiant mcgillois Jean Picotte, qui a effectué un stage comme coordonnateur des ressources humaines au ministère de la Justice du Nunavut, et Alexandre Burelle, ex-Mcgillois qui est présentement ingénieur junior de production minière pour Glencore Mine de Matagami (une ville située au nord du Québec en Jamésie), vantent tous deux le Nord comme tremplin professionnel. Outre les salaires plus élevés que la moyenne, l’autonomie et les possibilités d’avancement rapide attirent de nombreux travailleurs avides de faire avancer leur statut professionnel en accéléré. Jean Picotte souligne qu’un nouveau diplômé qui entreprend sa carrière au gouvernement du Nunavut, par exemple, « commence en milieu de carrière [plutôt] qu’au bas de l’échelle » dès son entrée en fonction. Alexandre Burelle mentionne qu’après une année seulement en poste, il est déjà « une des personnes les plus expérimentées [de son] département ».
En effet, compte tenu de la faible population des territoires nordiques, les diplômés universitaires originaires de la région ne suffisent pas à combler les besoins, et la « pénurie de main‑d’œuvre qualifiée » qui en résulte, selon Alexandre Burelle, permet aux jeunes de se tailler une place de choix dans les rangs d’une organisation. Le professeur Jim Howden, aujourd’hui directeur du programme d’éducation des Premières Nations et des Inuits au Département d’études intégrées en éducation (Departement of Integrated Studies in Education) à l’Université McGill, a commencé sa carrière comme enseignant au secondaire en 1980 à Salluit (un village nordique du Nord-du-Québec), avant d’occuper les postes de directeur puis de consultant pédagogique : un cheminement accéléré que les besoins criants dans la commission scolaire de la région ont rendu possible.
Dans divers domaines, les opportunités abondent pour les récents diplômés même sans expérience professionnelle, confirme Jean Picotte ; mais il faut faire preuve de débrouillardise et de polyvalence, et surtout être prêt à accepter la différence, soutient le professeur Howden.
« Superboom » d’ opportunités
Le « superboom » qui découle du Plan Nord lancé en 2011 ne s’essouffle pas. Beaucoup d’emplois ont été créés et de nouveaux s’ajouteront à la liste pour les années à venir. Alexandre Burelle confirme que l’industrie minière en particulier regorge d’opportunités attrayantes. L’ex-mcgillois a d’ailleurs eu l’opportunité d’effectuer un stage dans le Nord dans le cadre de ses études en génie minier, ce qui lui a permis de décrocher ensuite un emploi permanent dans la région.
Les gouvernements des trois territoires embauchent également de jeunes diplômés universitaires. Jean Picotte affirme qu’il est relativement facile d’obtenir un emploi relié à ses études : le gouvernement du Nunavut, par exemple, cherche présentement à pourvoir des postes dans les secteurs de la santé, de l’environnement, de l’éducation, des finances et de la justice.
Le Département d’études intégrées en éducation de l’Université McGill a un partenariat avec la Commission Scolaire Crie (Cree School Board) qui offre la possibilité aux étudiants de faire un stage d’enseignement dans une communauté crie ou inuite. En plus des postes à combler en enseignement, les commissions scolaires qui desservent le Nord emploient des travailleurs de soutien. La commission scolaire Kativik par exemple — qui compte 14 écoles sur le territoire du Nunavik — recrute présentement pour des postes de conseillers pédagogiques, coordonnateur du soutien scolaire, cuisinier, magasinier, secrétaire, technicien en administration et traducteur inuktitut.
Les stages restent toutefois difficiles à obtenir dans la plupart des domaines, notamment à cause de la « pénurie de logements », indique-t-on chez Solutions Nursing, une entreprise québécoise de formation, de recrutement et de placement de personnel infirmier. Cette situation fait gonfler les prix et rend difficile l’hébergement de stagiaires à court terme. Toutefois, les candidats qui postulent à un emploi permanent bénéficient souvent du soutien de l’employeur pour le logement. La commission scolaire Kativik, par exemple, propose un « logement subventionné pour un loyer de 120$ à 228$ par mois électricité et chauffage inclus », tandis que l’entreprise qui emploie Alexandre Burelle l’héberge « dans une maison appartenant à la compagnie en échange d’une déduction salariale très modeste ».
Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle le 5 octobre dernier, le ministre des Ressources naturelles Pierre Arcand a rappelé que « le Plan Nord est avant tout un défi d’infrastructures» ; il reste qu’on trouve des offres pour tous types d’emplois et de qualifications qui rejoignent tous les candidats « motivés et prêts » à vivre l’aventure du Nord, affirme Yannick Plante, président d’Alizés RH (partenaire du portail d’emploi Job Nord Québec).
Rester ?
Certains prennent la route du Nord dans l’optique de gagner une longueur d’avance dans leur carrière grâce à l’autonomie, aux responsabilités accrues et aux possibilités d’avancement rapide offertes pour ensuite revenir dans leur région natale et obtenir de meilleurs postes. Mais d’autres choisissent de s’y établir et d’y faire carrière.
Dans tous les cas, un séjour professionnel dans une région nordique se prépare. Il faut généralement poser sa candidature tôt, mais surtout, comme le souligne Jean Picotte, il faut prendre le temps de s’informer sur la région et sur les conditions de vie et de travail, question de se faire une idée réaliste de l’expérience envisagée. Les excellentes conditions de travail et les salaires compétitifs peuvent être aveuglants, mais le froid, l’isolement et souvent même l’absence de routes terrestres, le manque de lumière en hiver et, au contraire, l’excès de lumière en été, en rebutent plus d’un. Il faut également prendre en considération l’éloignement des proches. Toutefois, Alexandre Burelle souligne l’accueil chaleureux de sa communauté d’adoption, des gens « ouverts et sociables» ; et Jean Picotte mentionne la présence d’un réseau de jeunes professionnels qui organise des activités sociales chaque semaine dans la capitale du Nunavut, ce qui permet de tisser de nouveaux liens. Pour nos trois témoins du Nord, la simplicité de la vie, la liberté qu’offrent les grands espaces et la beauté des paysages vierges, en plus des nombreuses activités de plein air, sont autant d’attraits séducteurs. Alexandre Burelle avoue que le Nord n’est « clairement pas […] pour tous », et qu’il importe donc « d’être honnête avec soi-même » et de bien peser le pour et le contre avant de se lancer dans l’expérience.