28 février 2013, rédigé par Théo Bourgery : « Une AG de chaises vides : malgré une forte campagne de publicité, les chaises restent vides à l’AÉUM. »
11 octobre 2013, rédigé par Théo Bourgery : « Une AG qui n’en est pas une : seulement une cinquantaine d’étudiants se sont présentés à l’Assemblée générale de l’AÉUM .»
Puis arrive le 11 février 2014, aussi rédigé par Théo Bourgery : « Une AG pas comme les autres : le quorum est atteint, une première depuis plusieurs années. » Un début, une lumière au bout d’un tunnel — qui sait, le quorum sera-t-il désormais atteint tous les semestres ? Plus de chaises vides ? Plus de samossas pour attirer les foules ? Dieu, que croire ; les rêves me rongent.
La vie suit cependant son cours et après un suivi intense de la vie étudiante au sein de l’équipe éditoriale du Délit, je dois me retirer. Et là, PAF !, l’Assemblée générale d’automne 2014 attire huit cents jeunes convaincus ! Courtney Ayukawa, présidente de l’Association Étudiante de l’Université McGill, le dit sans bégayer : « deux cents personnes attendent dehors. La cafétéria et la salle de bal du bâtiment de l’AÉUM sont entièrement remplies ». À sa place, j’aurais fondu en larmes.
Il faut me comprendre : un an et demi durant, j’ai bataillé pour que mes colocataires et mes amis Facebook lèvent ce long carton jaune avec moi. Je me suis battu avec les sections Actualités et Société de votre hebdomadaire (Culture aussi, quand je n’avais plus rien à perdre) pour glisser un article à la terrifiante rubrique « politique étudiante ». Et tout le monde de me rire au nez : « Qui te lit de toute façon ? » ou encore « Il en faut des [gens] comme toi pour continuer à croire que la politique étudiante sert à quelque chose ». Rira bien qui rira le dernier : Who’s reading me now ?
Malgré l’émotion, ou plutôt pour mieux la comprendre, je me demande : pourquoi sommes-nous tous là ? Pourquoi ce semestre et non pas les autres ?
Ne nous voilons pas la face : personne n’est là pour Divest McGill, encore moins pour la nomination du conseil d’administration. Tout le monde (pardon, une large majorité : n’insulter personne est dans l’air du temps) se fout du CA.
Si les étudiants ont sorti le nez de leurs examens le temps de quelques heures, ce n’est que pour une motion particulière : « exprimer [une] solidarité envers les peuples des territoires palestiniens occupés » — bref, la motion qui n’a rien à voir avec la politique étudiante. D’ailleurs, beaucoup se plaignent en amont du débat : « L’AÉUM n’a pas le droit de parole là-dessus ! Elle ne doit pas se prononcer ! » Et moi de leur répondre : « Mais regarde ce monde ; c’est la première fois que je ne me sens pas seul ! Même ma copine est venue ! » Décidément, ils ne (me) comprennent pas.
Que l’AÉUM ait un droit de parole sur de tels sujets, je n’en ai cure. Je constate seulement que huit cents étudiants sont venus pour exprimer leur opinion. Donc les étudiants de McGill ont une opinion — vous savez, avec le temps, je l’avais presque oublié. Pardon, soyons plus précis et moins méchant : cette motion (son contenu importe peu) est la preuve que les étudiants ne sont pas complètement apathiques, comme beaucoup aiment le penser.
Notez : je dis bien « pas complètement ». Ils le sont toujours un peu : l’absence de participation au sein des instances exécutives de l’AÉUM reste consternante. Et d’entendre un de nous lancer à la salle : « pourquoi ne pas débattre sur des motions qui concernent l’AÉUM directement ? », je ne peux que questionner son absence lors des autres AG. Et d’entendre un autre clamer que « je ne sais pas à quoi sert l’AÉUM », je ne peux que constater qu’il ne fait aucun effort pour vraiment comprendre l’assoc’. Venu un moment, chéri, on ne va pas te tenir la main.
Du travail reste donc à faire et je souhaite à l’AÉUM tout le courage du monde (et quelques changements de procédures, mais je ne veux pas trop en demander). Les étudiants sont intéressés par la politique étudiante, encore faut-il leur faire savoir. Quant à tous les étudiants présents, je me contente d’un insignifiant « merci » qui vient du cœur.
Quant à moi, je vois l’Assemblée générale du 22 octobre 2014 comme un graal. Comme Snowden pour les journalistes. Comme Cahuzac pour Médiapart. Comme la barbe pour l’imberbe. Ce jour là, j’ai eu de la barbe.