Du mardi 10 février au samedi 14 février, le Théâtre La Chapelle présentait les Les dévoilements simples (Strip-Tease) du jeune metteur en scène Félix-Antoine Boutin, diplômé en interprétation de l’École nationale de théâtre, et fondateur de Création Dans la Chambre. C’est le créateur montant de la scène québécoise, d’après la revue Fugues, remarqué pour son originalité. Après le succès de spectacles tels que Koalas, Message personnel, Le sacre du printemps (Tout ce que je contiens), Archipel (150 Haïkus avant de mourir encore) et Orphée Karaoké, l’artiste originaire de Sherbrooke propose d’explorer le sujet de la nudité.
Simple Strip Tease
Rappelons-le, le strip-tease, c’est littéralement la provocation par l’arrachement des vêtements, la taquinerie par le dévoilement, impliquant donc une idée de nudité provocatrice et joueuse. Ce n’est pas tant la provocation que veut représenter Félix-Antoine Boutin, mais plutôt la fragilité qui existe dans le geste simple de se dénuder. En 32 tableaux courts et muets, Les dévoilements simples exprime de la pureté, de la pudeur et de la tendresse. C’est aussi ce qu’exprime la mélodie des Variations Goldberg de J.S. Bach (l’enregistrement de 1981 de Glenn Gould), sur laquelle est basée la représentation. Le premier strip-tease est dévoilé dans la vidéo de promotion de l’événement : un serpent se débarrassant de sa vieille peau. L’artiste, un génie de la simplicité, aborde le sujet depuis son origine en observant l’acte de dévoilement comme un acte naturel et sensible. Sur scène, on a droit à une série de 32 strip-teases.
Dévoilement poétique
Sur l’affiche du spectacle, on lit ce poème de Robert Nyel : « Déshabillez-moi/Mais ne soyez pas comme/Tous les hommes/ Trop pressés/Et d’abord, le regard/Tout le temps du prélude/ Ne doit pas être rude, ni hagard Dévorez-moi des yeux/Mais avec retenue, Pour que je m’habitue, peu à peu…». C’est une ode à une nudité digne qu’offrent les acteurs en se dévêtant simplement. Ils semblent dévoiler leur âme avec un amusement innocent et pacifique. Félix-Antoine confiait en janvier au magazine Fugues : « Il y a dans cet- instant quelque chose qui est aussi un dévoilement de l’âme, du moins, c’est cet aspect-là qui me fascine et que je recherche avec les comédiens et danseurs qui participent à ce projet. » En nous faisant sortir du cynisme noir ambiant, le metteur en scène aborde avec une touche de poésie cinq grands thèmes, tournant tous autour de la métaphore du dévoilement, qui est représenté par la nudité, le jeu avec les vêtements, mais aussi avec le dévoilement de l’âme par le chant et le dévoilement biologique par l’arrachement des peaux.
Recherche formelle
Le spectacle dure une heure, et forme une métaphore filée de la mise à nue. La mise en scène est assez surprenante : la scène est séparée en deux par un rideau de vitres, avec un premier plan représentant la scène de spectacle, et un arrière-plan qui représente les coulisses, où sont déposés par terre les habits, bouteilles d’eau et accessoires. Mettre en scène des coulisses apparentes est une manière de dévoiler la structure même de l’œuvre, faisant preuve d’encore plus de simplicité. Seuls, par petits groupes ou tous ensemble, les acteurs nus ou presque jouent une succession de petits actes muets au premier plan pendant que le reste de la troupe est passif derrière les vitres. Le mouvement de lumière, lui aussi tout à fait ingénieux, indique s’il faut regarder les coulisses ou la scène, jouant sur l’idée que la nudité peut aussi désigner le dévoilement de l’intimité, soulevant alors barrières et tabous. Félix-Antoine Boutin remet en question les codes et innove pour revendiquer l’observation simple des corps. Ce sont des corps que les médias ne nous ont pas habitués à regarder : il y en a des ronds, des petits, des grands, des fins. La mise en scène amusante, simple et innocente soulève les complexes et dévoile l’humain en symbiose avec son entourage : nu, il se roule dans l’herbe, cueille des fleurs et joue même avec une tortue ! Felix-Antoine Boutin nous rappelle que le corps nu, c’est ce que l’humain a de plus concret, c’est l’humain dans toute sa simplicité naturelle.
C’est un spectacle inspirant qui célèbre la tendresse des corps câlins dans un monde brutal qui exploite trop souvent la nudité de façon opressante. Ça tombe plutôt bien : au terme de la dernière représentation, le 14 février, le Théâtre La Chapelle a organisé une soirée de Saint-Valentin pour tous ceux qui souhaitaient danser au rythme du DJ Tête de Veau.