Quand Pauline Marois a présenté son candidat vedette Pierre-Karl Péladeau au début de l’élection générale de 2012, le mouvement souverainiste a crié victoire. Enfin, le mouvement possédait une figure notoire du monde des affaires. Un gain majeur, sachant qu’aux référendums 1980 et de 1995, l’économie était le cheval de bataille du camp du « Non ». L’argument fédéraliste est encore celui de l’économie ; un Québec souverain ne pourrait pas maintenir une économie assez performante pour soutenir la province. Avoir un homme d’affaires à succès comme Pierre-Karl Péladeau pour endosser le mouvement souverainiste donne un nouveau souffle au projet d’indépendance. Ce n’est donc pas surprenant que le magnat de la presse ait outrageusement dominé les sondages avant même le début de la course à la chefferie du Parti Québécois.
Toutefois, il semble que les amours entre le PQ et Pierre-Karl Péladeau commencent à faiblir. Lors du dernier sondage Léger pour Le Devoir et Le Journal de Montréal, le pointage de M. Péladeau est passé de 68% à 63%, une baisse de 5 points. Son avance est toujours quasi-insurmontable, mais ce qui est intéressant est la raison de cette baisse. Cette chute n’est pas attribuée à un événement ou à une déclaration en particulier. Cependant, il s’agissait du premier sondage depuis l’abandon de Jean-François Lisée. Celui-ci aura peut-être servi de bougie d’allumage en déclarant que la course était déjà terminée et gagnée par M. Péladeau. Cela a peut-être ouvert les yeux à plusieurs péquistes qui ont commencé à questionner véritablement la candidature de PKP.
La gauche ne dérougit pas
Martine Ouellet et Jean-François Lisée étaient les candidats préférés de la gauche du parti. Une solide performance à l’émission Tout le monde en parle le 8 février ainsi que le transfert des partisans de M. Lisée ont propulsé Mme Ouellet en deuxième place selon le même sondage Léger. Jean-François Lisée a décrit le PQ comme « un parti clairement progressiste, écologiste, humaniste, ouvert sur la diversité ». Mme Ouellet défend ouvertement ces valeurs, ce qui plait à une importante partie de la base militante du parti. M. Péladeau, avec son passé d’homme d’affaires antisyndical et son penchant pour la droite, commence à effrayer la gauche souverainiste.
Des attaques directes à PKP
Le livre de Pierre Dubuc, PKP dans tous ses états, publié récemment, dresse un portrait sans pitié de l’actionnaire principal de Québecor. Dubuc, qui a endossé Martine Ouellet, déclarait à La Presse que « peut-être à cause de ses revers économiques, PKP a maintenant décidé d’investir le terrain politique. ». Il remet en cause les motivations du saut en politique et son passé d’homme d’affaires « à succès » rappelant qu’il a hérité de la compagnie. C’est le genre de publicité que PKP voudrait bien éviter.
Pierre Céré accuse même M. Péladeau de vouloir « s’acheter le PQ » et le compare au protagoniste de Citizen Kane, le film d’Orson Wells, baron des médias rempli d’aspirations politiques. Il est maintenant clair qu’un mouvement « N’importe qui sauf PKP » est bien en marche au sein du PQ.
Plus populaire dans la population qu’au PQ ?
Dans le sondage Léger mentionné plus haut, PKP est le seul candidat qui fait augmenter les appuis du Parti Québécois au sein de la population. Tous les autres candidats font reculer le soutien de la formation souverainiste. C’est donc à se demander si la « folie PKP » n’est pas plus présente dans la population qu’au sein du parti. Un bon indicateur de cette tendance est le soutien des députés aux candidats. Avec une aussi grande domination dans les sondages, il serait normal que les députés se bousculent pour rentrer dans le « wagon PKP ». Au contraire, cinq députés appuient Pierre-Karl Péladeau, tout comme Bernard Drainville. Alexandre Cloutier est le seul autre candidat à avoir reçu des appuis au sein du caucus.
Au conseil général du PQ, le 7 février dernier, les militants étaient partagés entre les candidats. Toutefois, la foule assemblée à l’Hôtel Sheraton de Laval n’était pas représentative des sondages. La « folie PKP » est donc peut-être plus présente dans la population qu’au sein même du Parti Québécois, ce qui pourrait lui nuire car seuls les membres du parti pourront voter.
L’étoile de PKP commence à pâlir, et ce au profit de la gauche qui se mobilise derrière Mme Ouellet.