Aujourd’hui mardi 17 mars 2015, nous célébrons en silence le jour où l’Association Étudiante de l’Université McGill, dans un élan de solidarité dont plus d’un la croyait incapable, votait pour son dernier jour de grève. C’était il y a dix ans, jour pour jour, du temps que le gouvernement Charest imposait des coupes de 103 millions dans le régime provincial de prêts et bourses. Toute la province était en branle. Environ 230 000 des 450 000 étudiants au postsecondaire furent en grève cette semaine-là. L’Université McGill, ainsi que Polytechnique, HEC, ou encore Jean-de-Brébeuf – ceux qu’on ne voit pas beaucoup dans la rue –, ne restèrent pas non plus en reste. À l’issue d’une Assemblée Générale extraordinaire tenue dans le pavillon Shatner, où près de 1000 étudiants s’étaient présentés et près de 200 n’avaient pu rentrer, la communauté étudiante mcgilloise avait décidé, d’une majorité écrasante, de soutenir le mouvement de grève par 24 heures sans cours. L’éternité d’un jour de grève est un slogan tout à fait mcgillois.
Lors de notre dernière Assemblée Générale, ce dimanche 15 mars, la motion concernant la politique de l’AÉUM pour une éducation accessible a été votée par une large majorité, mais non sans commentaires de la part de certains agélastes. Ceux-ci étaient non seulement alarmés à l’idée d’un vote de grève à venir mais aussi ravis de la mention de la hausse des frais de scolarité français dans les « attendu que » pour ruer dans les brancards et qualifier cette motion d’infâme suppôt de la partisannerie francophone québécoise sur le campus (ou quelque chose de similaire). En 2005, suite à l’Assemblée Générale et à son vote de grève victorieux, un étudiant nommé Philippe Morin avait remarqué, en entrevue avec le McGill Daily « comment ce problème avait rassemblé les étudiants anglophones et francophones à McGill et pressé les votants à persévérer dans cette solidarité à travers les langues en rejoignant le reste des étudiants grévistes du Québec, lesquels sont majoritairement francophones ». Une culture de résistance peut s’affranchir des barrières linguistiques. L’Université Concordia dispose à ce jour de plus de 3600 étudiants avec un mandat de grève reconductible et Dawson College, avec ses 10 000 étudiants, est en procédure de vote.
Que l’AÉUM n’embarque pas est prévisible, peu de risques non plus au niveau facultaire ; pour les étudiants de premier cycle, la mobilisation se joue désormais au niveau départemental, ainsi qu’en 2012. Parmi d’autres – dont le Département de médecine –, l’Assemblée Générale des Étudiants-es de Littérature Française (AGELF) tiendra un vote ce mercredi à 16h dans la salle ARTS210, pour déterminer si un vote de grève devrait avoir lieu lors de son Assemblée Générale, qui se tiendra le lendemain.
La barre des 30 000 étudiants – plancher pour débrayer les mandats de grève de nombreuses associations étudiantes – a désormais été franchie.Vendredi dernier, les porte-paroles de l’ASSÉ appelaient à une « grève sociale », formule pour demander aux étudiants et aux travailleurs de se tenir unis dans leurs revendications contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard, notamment ses 200 millions de coupes dans le budget des universités. Selon le site du mouvement Printemps 2015, nous en sommes à 37 460 étudiants mandatés. Dans les prochains jours, plus de 71 associations, représentant près de 139 300 étudiants, prévoient tenir leur consultation médicale – nom de code en vogue pour un vote de grève.
Samedi 21 mars, à 14h, place Émilie-Gamelin, débutera le printemps. Il n’est pas une fin rappelons-le, mais un moyen sans pareil pour préparer l’été.