Le Chant de la mer est un film d’animation réalisé en 2014, projeté au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre dernier et qui sort en DVD le 17 mars. Une intéressante équipe de production s’y est impliquée : Cartoon Saloon (Irlande), Mélusine Productions (Luxembourg), Norlum (Danemark), Superprod (France) et The Big Farm (Belgique). Le deuxième film d’animation du réalisateur Tomm Moore (Brendan et le secret de Kells, 2009) a reçu un accueil favorable, souligné par deux nominations aux César et aux Oscars pour le meilleur film d’animation 2015.
Habitants d’un phare isolé du reste du monde, sur une côte irlandaise, Ben et Saoirse vivent seuls avec leur père. Morte en donnant naissance à Saoirse, Bronagh laisse toute une famille en deuil derrière elle, seule avec les légendes que la mère a racontées à Ben. Or, il s’avère que Saoirse, personnage inspiré du folklore écossais et irlandais, est une selkie, une fée de la mer mi-femme, mi-phoque. Si Ben a promis d’être le meilleur grand frère, il éprouve de la difficulté à aimer celle qui a remplacé leur mère. Un soir, la petite fille muette trouve le coquillage que Bronagh avait offert à Ben, lui enseignant la chanson de la mer. De petites lueurs magiques surgissent lorsqu’elle souffle dans l’objet, guidant la petite fille au coffre de sa mère. Saoirse y trouve un manteau. Curieuse, elle l’enfile et se faufile dans la nuit, offrant son petit corps aux eaux bleues. Suivant les phoques sous l’eau, elle se transforme alors en l’une des leurs. La grand-mère, de passage au phare à ce moment, trouve alors Saoirse sur la plage et la ramène au nid familial. Suite à une dispute, elle convainc le père de se séparer de ses enfants, afin de posséder une « véritable » vie, au cœur de la ville. Colérique, Ben décide de se sauver de chez sa grand-mère, suivi malgré lui par sa petite sœur. Celle-ci sera en danger, capturée par Macha, une sorcière qui vole les émotions et condamne les êtres dépouillés à se transformer en pierre, comme l’a été son fils. S’enchaînent alors une suite d’aventures, entrecroisant des forêts prisonnières de la ville, des Sidhes, de méchants hiboux, un grand Chanaki un peu fou et des victimes pétrifiées.
Un conte poétique, aux dessins incroyables. Les lignes sont en rondeurs, en mouvement constant, comme si, même hors de la mer, les personnages en sont prisonniers d’elles, pris entre le rêve et l’eau, le flou. Des travellings avant et arrière créent, à leurs tours, des effets de vagues, de tournis. Un étourdissement face aux émotions, crainte face à la profondeur des vagues, une chute menaçante, comme la falaise sur laquelle est perché le phare.
Or, ces mouvements incessants, de la mer à la ville, de la ville à la forêt, de la forêt aux souterrains, des souterrains au vent, du vent à la mer, amènent Ben à confronter ses peurs. Thèmes importants de ce conte, le deuil et le pardon surgissent lorsque les personnages acceptent de vivre la peine qui les étouffe, de s’y glisser comme le fait sans crainte Saoirse au cœur de la mer. C’est d’ailleurs ce que finiront par faire Ben et son père, lorsqu’ils devront sauver la vie de la petite selkie. Composé de cycles intelligents et bien construits, ce film est une petite réussite. Les graphiques, les plans et les thèmes se soutiennent les uns les autres, imbriqués dans une valse tranquille et sûre. La bande-son, composée en grande partie par le groupe Kila, ajoute au superbe de ce film. Quatre-vingt-dix minutes bien investies dans une fin de session surchargée.